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Le Trio de la médecine


[François HEDELIN D'AUBIGNAC], "Le Trio de la médecine", in Poésies choisies de Messieurs..., Paris, Sercy, 1653, t. II, p. 222-236

Ce texte constitue un premier modèle d'une visite médicale ridicule selon les critères du public mondain. Il présente plusieurs points de rencontre avec L'Amour médecin et Le Médecin malgré lui :

"avec cérémonie"
"nous allons consulter ensemble"
"pour venir au fait"
"l'habile homme que velà"


LE TRIO DE LA MÉDECINE.

À Mademoiselle C***

Belle malade de Charonne,
Digne plutôt d’une Couronne,
Que de cette longue douleur
Qui vous fait perdre la couleur,
L’appétit, la force, et l’usage
De tous les plaisirs de votre âge ;
À vous écrit un malheureux,
Qui languit sans être amoureux,
Qui brûle sans avoir la fièvre,
Qui ne va pas si bien qu’un lièvre,
Qui mange et boit moins que Montmor,
Et qui néanmoins vit encor :
Oui certes, pour vous faire rire,
J’ai résolu de vous écrire
D’un mal rigoureux, dont l’assaut
M’a presque fait faire le saut,
Qui par je ne sais quelle voie
D’un monde en l’autre nous envoie ;
Ce fut un choc si violent,
Qu’il pouvait trousser un galant
Moins confit dans la Médecine,
Il était droit en la poitrine,
À peu près où le noble Auteur
Du corps humain, plaça le coeur.

[page 222]

Là se faisait si grand désordre,
Que chiens et chats me semblaient mordre,
Et ronger mon pauvre estomac,
Et fut-ce l’Abbé d’Aubignac ;
Abbé de sainte conscience,
Il aurait perdu patience ;
D’être tout seul je n’osais pas,
Car je m’alambiquais tout bas
En des chimères mirifiques,
Et des songes mélancoliques :
Tantôt je m’allais emporter
A profondément discuter
Le sens mystique de l’Astrée ;
Je cherchais en quelle contrée
De la carte des Hollandais
Est le pays de Lanternais,
Et le Royaume de Cocagne ;
J’admirais tantôt Charlemagne
Dans les Romans qui sont au jour,
Et des Paladins de sa Cour
Dressant leur généalogie,
J’eusse bien voulu sans magie
Faire les quatre fils Aymon
Enfants du bon Roi Pharamond ;
Je rêvais à gloser l’Histoire
De Mélusine, et du grimoire,
De quel ordre est ce malotru
Qu’on nomme le Moine bourru,
Si Pasquin lui-même compose
Tout ce qu’il conte en vers et prose,
Et si l’on n’a point vu jadis
La semaine des trois Jeudis
Mais cela brouillant ma cervelle,
Ma douleur était plus cruelle ;

[page 223]

Quelqu’un veut-il me divertir,
À peine y puis-je consentir,
Et souvent j’arrête sa langue
Au beau milieu de sa harangue,
Sur le lit je roule mon corps,
Je le plie, et je le retords,
Je l’allonge, et je le ramasse,
Je crie, et je fais la grimace,
J’étends les mains, tourne les bras,
Grince les dents, mange mes draps,
Et peu s’en faut que je ne meure.
Je revenais pourtant sur l’heure
Le pouls bon sans tourment aucun,
Comme les filles de Loudun :
De ce mal qui saurait la cause,
Pourrait bien savoir autre chose,
Et quand, pour en être éclairci,
J’ai fait venir ensemble ici
Trois fameux en la Médecine,
Vrai Trio de haute doctrine ;
Voici ce que ces beaux Esprits,
Pour trois écus, m’en ont appris.
Chacun d’eux avait assez d’âge,
Pour être cru savant et sage,
Et tous trois pleins de gravité ;
C’est pourquoi sans difficulté
Ils viennent en pas d’Éloquence,
Font une docte révérence,
Et d’un souris assez niais
Se donnent le bona dies.
Après cette belle préface,
Selon leur rang ils prennent place,
Le plus jeune ayant l’âme en deuil
De n’être pas dans un fauteuil ;

[page 224]

Moi qui ne sait point de finesse,
Je prône aussitôt ma tristesse,
Ce que je sens et ne sens pas,
Si le mal est haut, s’il est bas ;
À quoi ces Messieurs ne répondent,
Que comme des Singes qui grondent,
Avec un hon entre leurs dents,
Et de tout assez discordants.
Adonc ma harangue est finie,
Montrez-nous, dit la compagnie,
De votre langue la couleur,
Pour voir si dans quelque chaleur
Une attaque si violente
Aurait point mis la fièvre lente ;
Permettez que chacun de nous
Examine un peu votre pouls,
Et vous tâte sans vous morfondre
La région de l’hypocondre.
Tout cela fait, et eux rassis,
Chacun médite son avis ;
Le premier tousse, et l’autre crache,
Le dernier roule sa moustache,
Puis en disant un grand or ça,
Le plus jeune ainsi commença.
De ce mal la cause est occulte,
Et ce serait faire une insulte
Aux plus authentiques Docteurs,
Et les tenir pour imposteurs,
Si l’on en croyait autre chose.
Voyez Hippocrate et sa glose,
Lisez bien Fernel, et Rasis
De occultis rerum causis,
Dioscoride, Mathiole,
Et ceux de l’une et l’autre école,

[page 225]

Messire l’un de mes parents,
Mercurial, et du Laurens,
Averroës, et l’Avicenne,
Et surtout ce qu’en dit Galène,
Car ceux qui disent Galien,
Sur ma foi n’y entendent rien ;
Autrement quelle différence
Pourrait-on remarquer en France,
Du bon Médecin Galenus,
À l’Empereur Galienus ?
Ce serait une étrange affaire,
Qu’il fallût suivre le vulgaire
En la corruption d’un mot ;
Le sage serait comme un sot,
Le poli comme le barbare,
Et le savant comme l’ignare.
Ce n’est qu’une contagion,
Qui gagnant notre opinion,
Veut obliger à la coutume,
Et notre langue à notre plume.
Pour moi je trouve fort mauvais,
Et n’y consentirai jamais,
Qu’une ignorante populace,
Aux carrefours et sur la place,
Fasse leçon aux bons Auteurs,
Et soit le Docteur des Docteurs :
Mais s’il faut qu’ici je m’explique,
Avec toute ma Rhétorique,
Que nous servirait de veiller,
D’étudier et de travailler,
Pour entendre les langues mortes,
Et les livres de toutes sortes,
Et de suer dès le matin
Après un mot Grec ou Latin,

[page 225]

S’il fallait encor pour apprendre
Jusqu’au menu peuple descendre,
Et qu’après un si grand ennui
Nous dussions parler comme lui ?
Sera-t-il non plus raisonnable,
Qu’un galant qui fait le capable,
Ait le droit de mettre en crédit
Un mot que sa Dame aura dit
Contre les lois de la Grammaire ?
Et que se piquant de lui plaire,
Pour loger sa capacité
Au même rang que sa beauté,
Il l’introduise aux compagnies,
L’emploie en ses galanteries,
Le répète cent fois le jour,
Et fasse un parti dans la Cour,
Pour donner quelque révérence
Au fruit d’une belle ignorance ?
C’est aux livres faire un affront
Qui nous retombe sur le front :
Mais vous, mes fidèles confrères,
Qui portez des âmes sévères,
Opposez-vous à cette erreur,
Et comme moi, d’un brave coeur
Apportez un effort contraire
À ce torrent de populaire,
Et disons tous, pour parler bien,
Galenus, et non pas Galien.
Doncques le mal qui vous tourmente,
Monsieur, est sans cause apparente,
Mais le remède est fort commun ;
Tous les jours il faut prendre à jeûn
Une potion anodine,
Appliquant sur votre poitrine

[page 227]

Un cataplasme de bibus,
Avec la poudre doribus.
J’ai dit ; l’autre qui le regarde,
Répond, Monsieur, je me hasarde,
Et peut-être trop hardiment,
À choquer votre sentiment ;
J’aime Platon, j’aime Aristote,
Mais je n’en fais pas ma Marotte,
J’aime encor plus la vérité.
Ne soyez donc point irrité,
Qu’à votre barbe je malmène
Votre nouveau mot de Galène,
Car Galien sans doute est mieux ;
Tous les modernes, et les vieux,
Qui savent l’art de Suadelle,
En parlent dessus ce modèle :
Lisez le Talmud, l’Alcoran,
La grande glose de Lycan,
Homère au combat des grenouilles,
Avec le livre des Quenouilles,
Et sachez que ces gens de bien
Ont toujours traduit Galien :
Encor ai-je pour moi l’usage,
Qui dans l’empire du langage
Règne à guise de Souverain ;
Il y tient un sceptre à la main,
Donne des lois et les explique,
Enrichit la chose publique
De mots nouveaux ou rajeunis,
Il en rappelle de bannis,
Et comme il lui prend fantaisie
Leur donne droit de bourgeoisie :
Souvent il y condamne à mort,
Les jugeant en dernier ressort,

[page 228]

Ceux qu’un esprit scientifique
S’efforce de mettre en pratique.
J’en ai vu d’autres condamnés
Seulement à perdre le nez,
La jambe, le bras, ou l’oreille,
Et du reste faire merveille ;
J’en ai vu de fort bien venus,
Qu’il avait mis presque tous nus :
Enfin l’usage est le grand Maître
Qui fait mourir, qui fait renaître,
Qui radoucit, qui rendurcit[sic.],
Qui rallonge, et qui raccourcit,
Qui renverse, et qui retient fermes
Dans une langue tous les termes :
Si la raison s’en entremet,
A quia soudain il la met ;
Et si l’antiquité s’en mêle,
Contre lui son pouvoir est frêle,
Ayant bien moins d’autorité
Qu’à présent un collet monté.
On voit comme lui sa germaine,
Sa soeur la mode, souveraine
Sur tous les habits de la Cour
Qu’elle règle en Dame d’atour :
En effet, dites, je vous prie,
Ne ferait-on pas raillerie,
De voir un homme dévêtu
Tout seul à l’antique vertu,
Avec un manteau de Druide,
Un chapeau fait en pyramide,
Un pourpoint du grand Roi Français,
La gorge ouverte de trois doigts,
Et faire au monde la moquette
Avec une riche braguette.

[page 229]

Cet homme, bien qu’il ait du coeur,
De la science, de l’honneur,
Serait sifflé comme un bizarre,
Un topinambour, un barbare ;
Quelque bouffon du temps jadis,
Ou l’écuyer d’un Amadis,
Je crois qu’autant il en faut dire.
Soit pour parler, soit pour écrire ;
Car qui voudrait nous prôner ains,
Brave d’acier, gésir, méhains,
Cil, baude, moult, cuide, et carolles,
Mériterait des croquignoles ;
Et qui pour imiter Ronsard
Mettrait o Dolope soudard,
Huche les vents à l’aile isnelle,
Ou bien cette autre bagatelle
Sur palefroi, Dame au beau pis,
Et pourfendre vos ennemis,
Ce varlet qui vers vous jambaye,
Passerait-il pas pour une oie,
Et serait-ce pas l’obliger
Que de le croire un étranger ?
Laissez donc là votre Galène,
Comme une parole malsaine,
Et dites enfin comme nous
Galien, le mot est plus doux,
Car pour le mal qui nous assemble
Ce n’est pas grand cas ce me semble,
Et la cause s’en peut trouver
Par qui voudra bien y rêver :
Mais sans vous tenir davantage,
Je suivrai l’avis du plus sage,
Et qui mieux aura deviné,
Quand nous aurons tous opiné.

[page 230]

À tant se tut ce malhabile,
Sans parler même de la bile,
Et sans rendre aucune raison
Du mal, ni de la guérison.
Alors le troisième s’apprête,
Frotte son nez, gratte sa tête,
Et pour sembler docte au besoin,
Reprend la chose de plus loin.
Toutes les nobles compagnies,
Dit-il, sagement établies,
Ont de vieux statuts enrôlés
Qu’elles n’ont jamais violés ;
Les Cardinaux ont leurs maximes,
Qu’on ne peut enfreindre sans crime,
Et donnent bien, selon leurs rangs,
Ou la droite, ou la gauche aux grands,
Et toujours ils font leurs visites
Comme leurs lois les ont prescrites.
De même en font les Parlements,
Ils ont réglé tous les moments
Des Buvettes, des Audiences,
La gravité de leurs séances,
Toutes leurs députations,
À qui pour telles actions,
Comment, et jusqu’à quelle porte ;
Et cela s’observe de sorte,
Qu’ils seraient plutôt écorchés,
Que de s’être en rien relâchés.
Voyez un peu sa fille aînée,
Mais fille assez mal couronnée,
Des premiers Rois de cet État,
L’Université, quel éclat
Garde-t-elle à pied par la Ville
Marchant avecque sa famille ?

[page 231]

Elle croirait faire un grand mal,
D’aller dans Paris à cheval,
Tant par cette ancienne observance
Est devant elle en révérence.
Ah ! si l’on avait consulté
Quand cette Illustre Faculté,
Notre docte et sacré Collège,
A relâché son Privilège,
Et se mettant à tous les jours,
A quitté son premier discours,
Dont le Latin était la base,
Et les ornements de la Phrase
Tirés du Grec et de l’Hébreu,
Entrecoupés par le milieu
De grands mots pris chez les Arabes,
Et dont les divines syllabes
Étonnaient les plus forts esprits ;
Mais j’aurais bien seul entrepris,
Par une éloquente parole,
De détourner ce Monopole,
Et j’aurais dit tant de raisons,
D’exemples, de comparaisons,
Qu’on aurait caché nos Mystères
Toujours aux âmes populaires.
Pourquoi consulter en Français ?
Faut-il que notre propre voix
Découvre nos badineries,
Nos ignorances, piperies,
Mensonges, souplesses, fatras
De vrais crieurs de mort aux rats,
Qu’un beau Latin demi barbare
Cachait bien, et faisait fanfare ?
Étions-nous pas plus en crédit,
Quand il nous était interdit,

[page 232]

D’être en parlant intelligibles,
Et rendre nos secrets sensibles ?
Que le monde était bien dupé,
Lorsqu’il voyait un récipé [sic.]
Tout écrit en géroglyphiques [sic.],
Plein de caractères mystiques,
Capables de faire apparoir
Les farfadets de l’Orque noir,
Qu’on tenait pourtant par la Ville
Comme des feuilles de Sibylle
Souvent pour feuille d’Opion [sic.]
Passa l’Hermitopodion,
Qui n’est que le pied d’Alouette :
Mais Hibou jamais, ni Chouette,
N’eussent pu faire tant de peur
Qu’un mot si grave et si trompeur.
Quand nous disions, Lycantropie,
Nous faisions trembler un impie ;
Au lieu qu’à présent Loup-garou
N’est que le sobriquet d’un fou.
Quand on usait dans la boutique
Pour purgatif, de Cathartique,
Tout le peuple qui l’ignorait,
Comme Rabins nous admirait :
En ce temps-là, d’Oze, Oxicrate,
Ptisane, Collyat, Amplate,
Amygdale, Anatomiser,
Apozème, Gargariser,
Avec ce mot Hémorragie
Semblaient des termes de Magie.

Mais aujourd’hui les Médecins,
Ne passent plus pour des Devins,
Ils ont trahi Cricotomie,
Et l’illustre Phlébotomie,

[page 233]

C’est faire le poil, c’est saigner,
Et cela nous fait dédaigner ;
Cela même, dire je l’ose,
Est encor aujourd’hui la cause
Que vous avez mal consulté,
Ou pour mieux parler disputé
Avec émotion de rate
Sur l’interprète d’Hippocrate ;
Car si vous eussiez observé
Le statut cent fois approuvé,
D’user toujours du Latinisme,
Et jamais du Gallianisme,
En disant tous deux Gallenus,
Vous n’en seriez pas là venus.
Pour moi, sans que rien j’en décide,
Encore qu’ici je préside,
Je reviens à Monsieur l’abbé,
De qui votre esprit s’est gabé ;
Et comme j’ai plus de lumière
Que vous deux en cette matière,
Pour l’avoir dès longtemps traité,
Sans qu’il en ait rien profité,
Oyez de son mal l’origine,
Et quelle en est la Médecine.
Trois symptômes présagieux
Me font remarquer en ces yeux
Que l’importune Diarrhée,
D’une pituite effarée
Que répand la pia mater,
Tourmente le pauvre frater
Par un orageux précipice
Qu’elle fait dessus l’orifice
De l’estomac endommagé ;
Et puis sitôt qu’il a mangé,

[page 234]

Il se fait dans le cerebelle [sic.]
Un grand chaos d’humeur nouvelle,
Qui par l’évaporation
Y porte la concoction,
Dont la vapeur phlegmatisée
N’est qu’une maligne rosée
Qui trouble l’opération
De la chilification,
Et qui donne dans les viscères
À la Nature trop d’affaires,
Pour séparer le mou du dur,
Et le pur d’avecque l’impur.
Ainsi la puissance Hépatique
Fait la substance arinatique,
Portant jusqu’au sept tegrements [sic.]
Pour un bon suc des excréments ;
Et de là vient sa maladie,
À laquelle, quoi que l’on die,
L’art d’un raffiné Médecin
Peut donner bientôt quelque fin :
Il ne faut qu’user d’une drogue,
Ou chalagogue, ou mélangogue,
La pantagogue est bonne encor,
Et le sirop du Roi Sapor ;
On pourrait prendre chypomane
Infusé dans l’eau de pas-d’âne,
Ou le bézoard du Pérou,
De cela l’on en trouve prou :
Pour vous le lait d’une Sirène
Est une drogue souveraine,
Ou bien à certains jours préfix
Vivant de la chair du Phoenix ;
Baignez-vous dans l’eau de la matte,
Cette eau divine et délicate,

[page 235]

Qui rendit cent fois à Junon
Son pucelage, et son renom :
Mais sans chercher tant de fadaises,
Vous n’avez qu’à prendre vos aises,
Et durant deux mois seulement
Vous priver de tout élément,
Sans rien manger, et sans rien boire,
Et la guérison est notoire ;
De là nulle indigestion,
Et nulle évaporation :
Ainsi le ventre et la cervelle
N’auront plus jamais de querelle.
À peine avait-il achevé,
Qu’entre eux un murmure élevé
Comme durant un grand orage
Un petit flot bat le rivage,
Me fit craindre que les avis
Des premiers étant mal suivis,
Une colère Hippocratique
Ne fit là quelque frénétique ;
Et pour obéir à cela,
Doucement je mis le holà.
Alors d’un maintien vénérable
Ils s’acheminent vers la table,
Où prenant la plume à la main,
Le plus jeune fit l’écrivain,
Laissant dessus un papier sale
Le résultat de leur cabale,
En mots si rognés et perclus,
Qu’un diable ne les eût pas lus ;
Puis en faisant la révérence,
Chacun vers mon valet s’avance.
Dont recevant un bel écu,
Tous trois me tournèrent le cul.

[page 236]

Ainsi si délivré de ces fourbes,
Que révèrent les simples tourbes,
De leurs sots discours j’ai tant ri,
Que j’en suis à demi guéri ;
Mon teint d’heure en heure se change,
Je bois comme un autre, et je mange,
Je goûte déjà les plaisirs
Que donnent d’innocents désirs,
Et si cela me continue,
Je crois qu’il faudra qu’on me tue,
Ou que pour me faire mourir,
On aille un Médecin quérir.
Si vous pouviez faire de même,
Vous n’auriez plus la face blême,
Ce beau teint charme de nos coeurs
Reprendrait ces premières fleurs,
Vos yeux une première grâce,
Vous seriez plus vive et plus grasse
Que vous n’ayiez jamais été
Dans votre parfaite santé,
Et c’est ainsi que prophétise,
Sur le mal qui vous tyrannise,
Par ses voeux, et du fond du coeur,
Votre très humble serviteur.

(Texte saisi par David Chataignier à partir de l'exemplaire YE-11501, tome II, conservé à la Bibliothèque nationale de France)




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