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Un parleur étrange


"C'est un parleur étrange, et qui trouve, toujours,
L'art de ne vous rien dire, avec de grands discours.
Dans les propos qu'il tient, on ne voit jamais goutte,
Et ce n'est que du bruit, que tout ce qu'on écoute."
Le Misanthrope, II, 4, v. 579-582

Le travers du "grand parleur", qui était déjà sujet de plaisanterie dans Les Fâcheux ("je te le veux conter") et dans La Jalousie du Barbouillé ("parler peu"), était dénoncé

Cette critique sera reprise dans le Nouveau Traité de civilité (1671) d'Antoine Courtin (4)

Le défaut inverse sera stigmatisé plus bas (voir "le sec entretien").


(1)

Le bruit de ceux qui parlent trop est bien aussi importun que le silence de ceux qui ne parlent guère, et si vous y voulez bien songer, vous le trouverez pour le moins incommode. Car enfin n'y a-t-il rien de plus fâcheux que d'entendre ce grand nombre de choses fausses et inutiles que disent tous les grands parleurs ; car je présuppose hardiment que dès qu'on parle beaucoup, on dit des mensonges et des choses qui ne servent à rien.
(Clélie, IV, 2, p. 641-642)

Plotine voyant tant de gens capables de juger du sujet de sa conversation avec Ammilcar leur dit l'ennui qu'elle avait eu de s'être trouvée avec Acrise qui parlait trop, et avec Sicinius qui parlait trop peu, les priant ensuite de vouloir dire leur avis sur ces deux défauts. Lire la suite ...
(Ibid., p. 644 et suiv.)

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(2)

Grand parleur
Si l'on vous croit, bouche de rose,
Lysandre parle bien ; nul ne peut l'égaler.
Il devrait bien savoir parler ;
Il ne fait jamais autre chose.
(Gombauld, Epigrammes, 1657, LXXXVII, p. 49)


(3)

Le grand parleur toujours gesticulant,
Celui qui rit, et s'écoute en parlant.
Le clabaudeur qui détonne ou qui braille,
Ou qui parlant vous frappe et vous tiraille,
Ou qui rebat jusqu'à l'éternité,
Quelque vieux conte ou chapitre affecté,
Ou qui n'oit pas quelque accident notable,
Qu'il n'en conte un de soi presque semblable.
(p. 11)


(4)

Mais si les grands parleurs, qui parlent longtemps et ne disent que des bagatelles : si ceux qui ne sauraient parler de rien, sans auparavant faire un prélude ; si ceux qui contestent sur tout ce qu'on leur peut dire, quand ce ne seraient que des choses très indifférentes : si ceux qui font les oracles, et assurent hardiment comme véritable tout ce qu'ils disent, quoi qu'eux-mêmes ne sachent pas si cela est vrai ou faux : si ceux qui ne parlent jamais sans s'échauffer et sans se mettre en colère, quoique personne ne leur en donne sujet, et seulement pour contredire, et vouloir par une présomption et une opiniâtreté insupportable, obliger tout le monde à suivre leur avis ; si tous ces gens, dis-je, sont incommodes et insociables : ceux qui ne sauraient parler sans élever le ton de la voix, jusqu'à donner la migraine à ceux qui les écoutent, le sont encore davantage.
(Nouveau traité de civilité, 1671, éd. de 1728, p. 84-85)




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