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Sans le consentement de ceux dont nous tenons le jour


"Je sais que je dépends d'un père, et que le nom de fils me soumet à ses volontés; que nous ne devons point engager notre foi, sans le consentement de ceux dont nous tenons le jour; que le Ciel les a faits les maîtres de nos vœux, et qu'il nous est enjoint de n'en disposer que par leur conduite."
L'Avare, I, 2

Le point de morale qui veut qu'on ne puisse décider de son futur conjoint "sans le congé de ceux qui vous ont donné l'être" fait l'objet de rappels réguliers dans les sermons et les traités moraux.

Ainsi, dans


(1)

On demande en général, si dans certains états, surtout dans ceux qui ne sont pas de la perfection évangélique, un enfant est maître de contracter un engagement et de se lier sans l'aveu et la participation de ses parents. Il ne le peut, chrétiens; mais il est de son devoir, et d'un devoir rigoureux, de les consulter, d'écouter leurs remontrances, d'y déférer autant que la raison le prescrit. Car, disent les théologiens, l'honneur dû aux pères et aux mères est un commandement exprès de Dieu. Or, de n'avoir nul égard à leurs sentiments; de ne se mettre point en peine d'en être instruit, d'agir sur cela dans une pleine indépendance et de n'en vouloir croire que soi-même, ce serait un mépris dans une matière aussi importante que l'est le choix de l'état, doit être regardé comme une griève transgression de la loi divine. On demande en particulier, si, dans un certain âge déjà avancé, un enfant peut, sans que le père en soit informé et sans requérir son consentement, conclure un mariage où la passion le porte; s'il le peut , dis-je, en sûreté de conscience. Non, répondent les docteurs; et s'il le fait, le père est en droit de le punir selon les lois et de le priver de son héritage: peine censée juste, et qui par conséquent suppose une offense.
(Oeuvres, 1833-1834, t. V, p. 40-41.)

(2)

Pour honorer vos père et mère, il faut encore les consulter avant que de rien faire d'importance : quand vous voulez vous marier, aller à la guerre, commencer un procès, entreprendre un voyage et vous engager à quelque affaire de conséquence, leur demander leur avis et le suivre, c'est montrer que vous estimez leur prudence, et Dieu bénit cette procédure.
(Le Missionnaire de l'Oratoire, ou Sermons pour les avents, carêmes et fêtes de l'année par le P. Le Jeune, dit le P. aveugle, Toulouse, 1662, in Collection intégrale et universelle des orateurs sacrés publiés par l'abbé Migne, 1844-1866, t. III, p. 591)

(3)

On voit quelquefois de jeunes étourdis, qui voudraient faire renaître le sentiment de Platon, et faire croire qu'ils sont aussi capables de bonnes affaires que les vieillards. Chaque siècle à son phaëton, qui pense pouvoir gouverner aussi sagement le char de la lumière, que le soleil: et qui ne peut reconnaître son ignorance que quand il s'est perdu. Si le misérable Icarus eût voulu suivre le conseil de son père et ne le point porter plus haut que lui, les poètes n'eussent pas mis tant de peine à nous décrire son naufrage. L'expérience est une grande maîtresse, mais elle ne loge point qu'avec les personnes qui ont vu plus d'un siècle. Elle ne débite point ses maximes aux jeunes gens: personne n'est reçu en son école qui n'ait les cheveux gris. Ne savoir rien, et ne vouloir point prendre d'avis, n'est-ce pas vouloir faillir?
Quand l'ignorance ne serait point si universelle en la jeunesse, et qu'elle ne leur nuirait point, ne serait-ce pas assez de la boutade, dont ils ne sont pas maîtres les plus souvent pour les porter au précipice?
(Chap. III, "De l'obéissance des enfants envers leurs parents", § 1, "Quelle est l'autorité du père et de la mère sur leurs enfants ?", éd. de 1662, , p. 596}

Imprimez dans votre tête, non pas les cendres de vos pères, et de vos mères, mais leurs bons avis: souvenez-vous éternellement des conseils qu'ils vous ont donnés, et assurez-vous que vous irez surtout la tête levée: que vous porterez toujours votre gloire sur le front. Ne soyez point si sots que les Nazamines dont parle Tertullien, qui allaient coucher auprès des sépulcres de leurs parents, pour entendre ce qu'ils leur diraient la nuit: mais écoutez-les bien pendant leur vie, que vous n'avez rien à demander après leur mort: si bien à vous souvenir des instructions saintes, et des avis que vous aurez reçus de leur bouche.
(ibid., p. 601)

Quoique le père ne veuille rien relâcher de rigueur, et qu'il veuille être obéi, les enfants ne sont pas obligés de lui complaire jusqu'à ce point de faire un mariage forcé, de peur de le fâcher. Il s'attribue plus de pouvoir que Dieu ne lui en donne. Néanmoins cette humeur farouche du père ne laisse point la liberté au fils de se marier à la sourdine: la conscience l'oblige à ne se point lier personne qu'il n'en ait pris avis de ses parents: s'il en usait autrement il se rendrait punissable, et devant Dieu, et devant les hommes.
D'où on peut mesurer la grandeur du crime de quelques jeunes étourdis, soit garçons, soit filles, qui osent violer les respects de la nature, et se mésallier pour suivre la brutalité de leurs amours.
(ibid., § 5, "Faut-il que les enfants obéissent en tout à leur père et mère ?", p. 625)




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