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Que vouliez-vous qu'il fît


"Que vouliez-vous qu'il fît? Il voit une jeune personne qui lui veut du bien [...] Le voilà surpris avec elle par ses parents, qui la force à la main le contraignent de l'épouser. [...] Eussiez-vous voulu qu'il se fût laissé tuer?"
Les Fourberies de Scapin, I, 4

La formulation évoque un vers de la sc. III, 6 de la tragédie Horace (1640) de Pierre Corneille, qui figurait en 1659 encore au répertoire de la troupe de Molière :

JULIE.
Que vouliez-vous qu'il fît contre trois ?

LE VIEIL HORACE.
Qu'il mourût.
(p. 60)

Le valet Geta invoque la même excuse pour défendre le jeune homme auprès de son père, à la sc. I, 5 du Phormion de Térence :


(1)

GE. Jamdudum te omnes nos accusare audio
Inmerito et me horum omnium immeritissimo.
Nam quid me in hac re facere voluisti tibi?
Servom hominem causam orare leges non sinunt
Neque testimonii dictio est. DE. Mitto omnia; addo
Istuc "imprudens timuit adulescens"; sino
Tu servus; verum si cognata est maxume,
Non fuit necesse habere; sed id quod lex jubet,
Dotem daretis, quaereret alium virum.
Qua ratione inopem potius ducebat domum ?
DE. Non ratio, verum argentum deerat. DE. Sumeret
Alicunde. DE. Alicunde? nil est dictu facilius.
DE. Postremo si nullo alio pacto, fenore.
DE. Hui dixti pulchre! siquidem quisquam crederet
Te vivo.

(2)

GE. Monsieur, je sais qu'il y a longtemps que vous nous accusez tous, et sans sujet ; mais moi encore avec moins de sujet que personne. Car enfin, qu'eussiez-vous voulu que j'eusse fait en ce rencontre ? Les lois ne permettent point à un esclave de plaider une cause, il n'est point reçu à servir de témoin en justice. DE. Je passe tout le reste, et ce que vous dites même. Antiphon étant jeune, sans expérience, s'est trouvé tout surpris, je le veux. Vous étiez esclave, soit. Mais quand bien elle eût été sa parente mille fois, il n'était pas nécessaire qu'il l'épousât. Il suffisait que vous lui donnassiez de quoi se marier, selon que la loi ordonne, afin qu'elle cherchât un autre parti. Comment a-t-il eu si peu de raison que de choisir de n'épouser plutôt une femme qui n'a quoi que ce soit ? GE. Nous ne manquions pas de raison, nous ne manquions que d'argent. DE. Que n'empruntait-il quelque part ? GE. De quelque part ? Cela est bien aisé à dire. DE. Enfin s'il ne pouvait autrement, que ne s'en prenait-il plutôt à usure ? GE. Oui, Monsieur, c'est fort bien dit, pourvu qu'il se trouvât quelqu'un qui lui en voulût prêter durant votre vie.
(I, 5, p. 559)

(3)

GE. Il y a déjà longtemps que je vous écoute, et que je vois que vous nous accusez tous sans l'avoir mérité ; et moi entre tous les autres, qui le mérite encore moins : car enfin, qu'eussiez-vous jugé à propos que j'eusse fait en cette rencontre ? Les Lois ne permettent point à un Serviteur comme je suis, de défendre la cause de qui que ce soit en Justice, et d'y servir de témoin. DE. Je passe tout cela sous silence : Ajoutes-y encore que le jeune homme a été surpris, je le veux. Tu étais Serviteur, d'accord : Mais quand elle eût été cent fois sa parente, il n'était pas nécessaire pour cela qu'il l'épousât, et c'eût bien été assez de lui donner de quoi se marier, selon que la Loi l'ordonne, afin de l'obliger à chercher quelque autre parti. Comment a-t-il eu si peu de raison que de consentir à épouser une fille qui n'a rien ? GE. Il ne manquait pas de raison, mais il manquait d'argent. DE. Il en devait emprunter de quelque part. GE. Il en devait emprunter de quelque part ? Il n'y a rien de plus facile à dire. DE. Enfin, s'il ne pouvait autrement, que n'en prenait-il à intérêt ? GE. Oui, voilà qui est plaisant, comme si votre vie durant quelqu'un lui voulait prêter à crédit ?




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