Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Le Ciel me veut mortifier


"Et je vois que le Ciel, pour ma punition,
Me veut mortifier en cette occasion.
De quelque grand forfait qu'on me puisse reprendre,
Je n'ai garde d'avoir l'orgueil de m'en défendre.
[...]
Oui, mon cher fils, parlez, traitez-moi de perfide,
D'infâme, de perdu, de voleur, d'homicide.
Accablez-moi de noms encor plus détestés.
Je n'y contredis point, je les ai mérités,
Et j'en veux à genoux souffrir l'ignominie,
Comme une honte due aux crimes de ma vie."
Le Tartuffe, III, 6 (v. 1079-1106)

Dans Le Combat spirituel (1589) de Lorenzo Scupoli, l'épreuve de la persécution est présentée comme une mortification envoyée par le Ciel pour punir l'orgueil du pécheur :

CHAPITRE I: En quoi consiste la perfection chrétienne, et de quatre moyens nécessaires pour l'acquérir

Elles [les actions] sont encore des effets et des fruits de cet esprit déjà acquis, en ceux qui sont déjà véritablement spirituels, à cause qu'ils savent alors faire ces actions selon la fin à laquelle elles doivent tendre, et selon l'esprit dans lequel il les faut faire, pratiquant des mortifications du corps pour ce qu'il a offensé Dieu, et qu'il a besoin d'être tenu bas et humilié en le servant; gardant le silence et vivant dans la solitude, pour fuir les moindres occasions de pécher que le monde présente, et pour jouir de la consolation de rendre par avance toute leur conversation céleste, comme dit l'apôtre, et enfin assistant aux divins offices, et s'adonnant aux oeuvres de piété, comme à la prière et à la fréquentation des sacrements, pour rendre honneur à Dieu, et pour s'attacher de plus en plus à son amour.
(Le Combat spirituel, composé en italien, par un serviteur de Dieu, et traduit en français par un autre serviteur de Dieu, Paris, P. Le Petit, 1664, p.3-4)

Et si Dieu même pour les ramener [les âmes] à une vraie connaissance de leur erreur, leur envoie ou permet qu'il leur arrive des afflictions, des maladies, ou des contradictions, qui n'adviennent jamais sans sa volonté, et qui sont les vraies pierres de touche de la fidélité de ses serviteurs: elles montrent tout aussitôt avec le vice secret de leur vanité et de leur orgueil, la faiblesse du fondement sur lequel elles ont basti. Car quelques événements qui leur succèdent, ou favorables, ou contraires, elles ne veulent jamais se bien résigner; jamais bien ployer sous la main de Dieu; jamais s'abaisser au dessous de toute créature, à l'exemple de son fils humilié et souffrant en la croix; jamais aimer et embrasser cordialement leurs ennemis et leurs persécuteurs, comme autant de véritables instruments de la bonté divine pour leur réformation.
(Paris, P. Le Petit, 1664, p.6-7.)

CHAPITRE VIII: De ce qu'il faut faire quand la volonté supérieure paraît vaincue et entièrement suffoquée sous l'inférieure.

Si nous nous trouvons, par exemple, dans quelque persécution, ou dans quelque souffrance extraordinaire, et que nous nous sentions si puisamment combattus par les assauts de l'impatience, que notre volonté ne puisse, ou du moins ne veuille presque pas se résoudre, à prendre son mal en patience, nous l'aiderons par telles ou semblables considérations.
1. Nous verrons si nous avons mérité ce que nous souffrons, parce que, s'il est ainsi que nous l'ayons mérité, toutes sortes de raisons veulent que nous supportions patiemment le mal, que nous nous sommes fait nous-mêmes de nos propres mains.
2. Que si nous ne l'avons pas attiré sur nous par quelque faute particulière, nous tournerons notre pensée sur nos autres péchés, dont notre Seigneur ne nous a pas encore châtiés, et que nous n'avons pas expiés nous-mêmes, par une sérieuse et véritable pénitence: et voyant que la miséricorde divine change pour notre soulagement la peine, ou éternelle ou temporelle, qui leur était due, ou dans l'enfer, ou dans le purgatoire en l'autre monde, en une souffrance aussi légère, qu'est celle qu'il nous envoie en celui-ci; nous recevrons ce changement de peine avec plaisir, et avec actions de grâces.
3. Et quand même il nous semblera, que nous avons peu offensé Dieu, et que nous avons fait beaucoup de pénitence, ce que nous ne devons pourtant jamais mettre dans notre esprit; nous nous représenterons alors, que l'on entre au royaume de Dieu, que par la porte de l'abnégation et de la patience, par laquelle seule y est entré le fils de Dieu, et par laquelle seule y doivent entrer tous ses membres.
4. Que si encore nous y pouvions arriver par une autre voie, la loi de l'amour nous obligerait à ne le point désirer, puisque notre sauveur qui pouvait choisir, n'y a voulu entrer lui-même, qu'au travers les épines et sur une croix.
5. Je finis par la plus grande et la plus sainte de toutes les considérations que nous pussions jamais emploer [...] C'est d'avoir toujours devant les yeux, que notre Dieu nous aimant comme il nous aime, et voulant être aimé de nous comme il le veut, a une merveilleuse complaisance pour toutes les actions de mortification qu'il nous voit faire pour l'amour de lui dans cette guerre spirituelle, que pour l'amour de lui nous avons aussi entreprise.
(Paris, P. Le Petit, 1664, p. 52-54.)



Sommaire | Index | Accès rédacteurs