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Vous passerez les six-vingts


"Vous n'avez de votre vie été si jeune que vous êtes; et je vois des gens de vingt-cinq ans qui sont plus vieux que vous.- Cependant, Frosine, j'en ai soixante bien comptés. - Hé bien, qu'est-ce que cela, soixante ans? Voilà bien de quoi! C'est la fleur de l'âge cela; et vous entrez maintenant dans la belle saison de l'homme. - Il est vrai; mais vingt années de moins pourtant ne me feraient point de mal, que je crois. - Vous moquez-vous? Vous n'avez pas besoin de cela; et vous êtes d'une pâte à vivre jusques à cent ans.- Tu le crois? - Assurément. Vous en avez toutes les marques. Tenez-vous un peu. Ô que voilà bien là entre vos deux yeux un signe de longue vie! - Tu te connais à cela? - Sans doute. Montrez-moi votre main. Ah mon Dieu! quelle ligne de vie! - Comment? - Ne voyez-vous pas jusqu'où va cette ligne-là? - Hé bien, qu'est-ce que cela veut dire? - Par ma foi, je disais cent ans, mais vous passerez les six-vingts."
L'Avare, II, 5

Un jeu de scène semblable peut être relevé à la scène 4 de l'acte I du Riche mécontent, ou le noble imaginaire (1662) de Chappuzeau. La formule "vous êtes d'une pâte à vivre jusques à cent ans" figure également dans cette scène. (1)

Des passages similaires se trouvent également


(1)

CRISPIN
C'est une bonne pièce,

Je sais qu'elle voudrait avoir déjà mari.

LISETE
Mais gardez-vous de pis que du charivari;
Elle est belle, elle est jeune, et vous avez de l'âge.
C'est assez pour tout craindre.

GERONTE
Ajoute qu'elle est sage.

LISETE
[...]
Combien sans déguiser contez-vous bien d'années?

GERONTE
J'en ai près de soixante.

LISETE
Et douze par de là;

Pourquoi vous flatterais-je?

GERONTE
Et qu'importe cela?

J'ai le corps vigoureux, et la santé très bonne,
Et puis encore user une jeune personne.
Voudrais-tu que je prisse une vieille hou-hou?

LISETE
Quand j'y pense, à votre âge, il faut être un peu fou.

CRISPIN
Non, ne le croyez pas, vous êtes bon et sage.
Polixène vous plaît, pressez ce mariage.
Craindrait-elle avec vous d'avoir si mauvais temps?
Vous êtes d'une pâte à vivre encore cent ans.
Je répondrai pour vous; les gens de votre trempe,
Quand il faut s'éveiller ont rarement la crampe.
[...]
(Paris, J. Ribou, 1662)

(2)

PASIFILIO
[...] non sete voi giovene?

CLEANDRO
Son ne cinquanta anni.

PASIFILIO
Piu di dodici. Dice di manco

CLEANDRO
Che di manco dodici. Di tu?

PASIFILIO
Che vi estimavo piu di dodici anni di manco. Non mostrate a l'aria passar trentasette anni.

CLEANDRO
Sono al termine pur ch'io ti dico.

PASIFILIO
La vostra habitudine e tal che voi passerete il centesimo. Mostratemi la man.

CLEANDRO
Sei tu Pasifilio buon chiromante?

PASIFILIO
Io ci ho pur qualche pratica, [deh] lasciatemi un povedervela.

CLEANDRO
Eccola.

PASIFILIO
O che bella, che lunga, e netta linea.
Non vidi mai la maglior, oltra il termine vi veggo di Melchisedech aggiungere.
(éd. versifiée de 1551, p. 6-7)

traduction française de 1552 :

PASIFILIO
[...] vous êtes (peut-être) vieux.

CLEANDRO
Je suis dedans les cinquante-six ans

PASIFILIO
Il en laisse dix pour le moins.

CLEANDRO
Que dis-tu, dix ans moins?

PASIFILIO
Je dis que je vous estimais âgé de dix ans moins. Vous ne montrez point passer trente-six ou trente-huit au plus.

CLEANDRO
Si suis-je toutefois au terme que je te dis

PASIFILIO
Vous êtes en très bon âge, et à vous voir l'on jugerait que vous vivrez du moins cent ans. Montrez-moi votre main.

CLEANDRO
Es-tu chiromancien?

PASIFILIO
Mais qui est-ce qui en fait meilleure profession que moi?
Montrez-la-moi, de grâce. O quelle belle ligne et nette, je n'en vis jamais de si longue, vous vivrez plus que Melchisedech.
(La Comedie des Supposez de M. Louis Arioste, en italien et en français par J. P. de Mesmes, 1552.)

(3)

CREMANTE
Eh! l'on n'est pas si vieux encore à soixante ans.

LE MARQUIS
Non da, vous êtes sain.

CREMANTE
Oui, je le suis, sans doute,

Hors quelques petits maux, comme atteinte de goutte,
catarrhes, rhumatisme.

LE MARQUIS
Ah! tout cela n'est rien.

CREMANTE
Enfin, à cela près, je me porte assez bien,
Tout vieux que je parais, l'âge encore me laisse
Des restes de chaleur, des regains de jeunesse;
Mon poil blanc couvre encore un sang subtil et
chaud,

Tel qu'au temps...
[...]
(IV, 1, Oeuvres, 1715, t. III, p. 160-161.)




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