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Vous appuyez un peu trop sur l'argent


"- Il n’y a rien assurément qui chatouille davantage que les applaudissements que vous dites ; mais cet encens ne fait pas vivre. Des louanges toutes pures, ne mettent point un homme à son aise : il y faut mêler du solide [...] - Il y a quelque chose de vrai dans ce que vous dites ; mais je trouve que vous appuyez un peu trop sur l’argent ; et l’intérêt est quelque chose de si bas, qu’il ne faut jamais qu’un honnête homme montre pour lui de l’attachement. "
Le Bourgeois gentilhomme, I, I

La question de l'intérêt pécuniaire motivant la création artistique avait été soulevée lors de la création de l'Académie royale de danse en 1661. Le coût de la réception à la toute nouvelle et autoproclamée institution (1) faisait partie des arguments formulés en sa défaveur par Guillaume Du Manoir, à la tête de la Confrérie de Saint-Julien des Ménestriers (2) (voir également "rien qui ne soit si utile que la musique").

Dans Le Sicilien, un personnage était d'avis que l'artiste doit s'engager essentiellement "pour la gloire et pour la réputation" et non pour l'argent, conformément à des principes exposés dans L'Art de peinture traduit en français (1668) de Du Fresnoy (p. 48 et p. 149).


(1)

VI.
Les autres Maîtres enseignants la Danse dans la dite village et faubourgs de Paris, pourront aspirer à être du nombre desdits Anciens et Académistes, et être reçus et admis en ladite Académie, en cas qu’ils en soient jugés dignes et capables par lesdits Anciens à la pluralité des voix. Après que lesdits aspirants auront en la présence desdits Anciens, au jour qui sera par eux à cet effet assigné, fait exercice de toute sorte de Danses tant anciennes que nouvelles, et même des pas de Ballet, en payant par lesdits aspirants la somme de cent cinquante livres pour les Fils de Maîtres, et trois cents livres pour les autres, lesdites sommes applicables aux ornements, frais et dépenses communes de ladite Académie.
Article VI, Lettres patentes du roy, pour l'établissement de l'Académie royale de danse en la ville de Paris. Vérifiées en Parlement le 30 mars 1662.

(2)

Et d’ailleurs, est-ce qu’on entre pour rien dans votre Académie, et votre sixième Article ne porte-t-il pas expressément: Que pour être de votre Corps, les Fils de Maîtres paieront cinquante écus, et les autres jusqu’à trois cents livres?
Cette grâce que vous consentez de faire aux Fils de Maîtres en les quittant à la moitié moins que les autres ne justifie-t-elle pas encore précisément que vous faites quelque état de la Maîtrise, bien que d’autre part vous vous efforciez de l’abattre?
Mais, au reste, vouloir établir une Académie de Danse qui subsiste et se conserve de soi-même, sans la moindre participation du Magistrat, et prendre jusqu’à la somme de trois cents livres pour admettre une personne en cette prétendue Académie, n’est-ce pas vouloir changer seulement le nom des choses par vanité et par intérêt?
[…] quand votre prétendue Académie pourrait être tolérée (ce que je ne croirai jamais), en tous cas, pour le choix des Académistes, elle ne devrait s’arrêter qu’au mérite, et non pas à l’argent ni à la récompense; et elle ne pourrait aussi s’exempter du caractère et e la coutume d’une Maîtrise, autant équitable que nécessaire.
Guillaume Du Manoir, Le Mariage de la Musique avec la Danse, 1664, éd. 1870, pp.19-20 et 23.




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