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Venez nous donner de beaux jours


Chœur des divinités de la terre et des eaux, composé de Flore, Nymphes, Palémon, Vertumne, Sylvains, Faunes, Dryades et Naïades.
"Nous goûtons une paix profonde;
Les plus beaux jeux sont ici-bas;
On doit ce repos plein d'appas
Au plus grand roi du monde.
Descendez, mère des Amours,
Venez nous donner de beaux jours."
Psyché, Prologue, v.7-12.

Convoquant Flore, déjà associée à la louange de Louis XIV via la célébration du retour du printemps, dansé par le roi, dans le Ballet de Psyché ou le Triomphe de l'Amour (1656) (1), de la paix dans Le Ballet Royal de Flore (1669) (2), le prologue emprunte également à l'invocation à la déesse Vénus qui ouvre le De natura rerum de Lucrèce (3).


(1)
Première partie.
Le Palais de l'Amour paraît dans le fond du Théâtre avec des bois et des paysages aux deux côtés.
[…]
Le Printemps précédé de Zéphyre et de Flore, les en [les Vents] chasse, et s'y vient établir avec quatre belles Nymphes qui l'accompagnent.
(I, IIe entrée)

(2)

Ce Ballet pris en son sens allégorique marque la Paix que le Roi vient de donner à l’Europe, l’abondance et le bonheur dont il comble ses sujets, et le respect qu'ont pour sa Majesté tous les peuples de la Terre.
(Argument, p. 5)

Flore descend du Ciel sur un nuage aussi luisant que le Soleil, rien de pareil n'a été vu depuis la Naissance de Vénus. Cette Déesse fait tout l'honneur du Printemps, et remplit de joie toute la Terre, il est facile en la voyant de juger qu'elle a l'empire sur les fleurs tant elle en est parée. Elle conduit avec elle la Beauté, la Jeunesse, l'Abondance et la Félicité. Cette divine Troupe se joint à celle du Soleil, et toutes deux ensemble font un spectacle de Grandeur, de Majesté, de Grâces, et de Charmes.
(IIe entrée)

(3).

Aeneadum genetrix, hominum divomque voluptas,
alma Venus, caeli subter labentia signa
quae mare navigerum, quae terras frugiferentis
concelebras, per te quoniam genus omne animantum
concipitur visitque exortum lumina solis:
te, dea, te fugiunt venti, te nubila caeli
adventumque tuum, tibi suavis daedala tellus
summittit flores, tibi rident aequora ponti
placatumque nitet diffuso lumine caelum.
nam simul ac species patefactast verna diei
et reserata viget genitabilis aura favoni,
aeriae primum volucris te, diva, tuumque
significant initum perculsae corda tua vi.
inde ferae pecudes persultant pabula laeta
et rapidos tranant amnis: ita capta lepore
te sequitur cupide quo quamque inducere pergis.
denique per maria ac montis fluviosque rapacis
frondiferasque domos avium camposque virentis
omnibus incutiens blandum per pectora amorem
efficis ut cupide generatim saecla propagent.
[...]
effice ut interea fera moenera militiai
per maria ac terras omnis sopita quiescant;
nam tu sola potes tranquilla pace iuvare
mortalis, quoniam belli fera moenera Mavors
armipotens regit, in gremium qui saepe tuum se
reiicit aeterno devictus vulnere amoris,
atque ita suspiciens tereti cervice reposta
pascit amore avidos inhians in te, dea, visus
eque tuo pendet resupini spiritus ore.
hunc tu, diva, tuo recubantem corpore sancto
circum fusa super, suavis ex ore loquellas
funde petens placidam Romanis, incluta, pacem;
(I, v. 10-23 et 29-40)

[1-10] Mère de la postérité d’Enée, délices des Hommes et des Dieux, féconde Vénus, qui sous les constellations célestes, rendez célèbre la mer qui porte des vaisseaux, et les terres qui produisent les moissons, puisque c’est par votre divin pouvoir que tous les genres d’Animaux sont conçus, et qu’en naissant ils voient la lumière du jour ; ô Déesse, les vents s’écartent devant vous, les nuages de l’air se dissipent en votre présence, votre arrivée leur fait prendre la fuite : la terre ornée d’une infinité de variétés, fait naître sous vos pas les fleurs délicieuses : les plaines de la mer vous sourient : et le Ciel éclairé, devient serein pour l’amour de vous.
[10-21] Si tôt que vers le retour du Printemps, la beauté des jours se découvre, et que les douces haleines d’un zéphyr fécond reprennent leur vigueur ; les oiseaux dont les cœurs sont atteints de votre divin pouvoir, en expriment bien les effets, et ils annoncent votre venue. De là, les Bêtes farouches et privées bondissent parmi les herbages délicieux : elles passent à la nage les fleuves rapides : et chaque chose vous suit amoureusement, emportée qu’elle est par l’attrait de votre beauté. Enfin, soit dans le sein des mers profondes, ou sur les coupeaux sourcilleux des montagnes, soit dans les courants de Rivières impétueuses, ou parmi les maisons feuillues des oiseaux, ou bien dans les champs verdoyants ; vous versez dans le sein de tous les Animaux votre amour charmant, et vous faites que les Espèces sont rendues perdurables par un désir extrême qu’elles ont de se multiplier.
[…]
[29-40] O Déesse donnez à ce sujet un agrément éternel, et faites cependant que les cruels tumultes qui naissent des querelles s’apaisent dans les eaux et par toute la terre : car vous êtes seule capable de consoler les Mortels par une paix tranquille ; puisque Mars qui exerce les pénibles métiers de la guerre, se repose souvent sur votre sein surmonté qu’il est par l’Amour qui fait une éternelle plaie dans le cœur. Il penche la tête en soupirant auprès de vous, et sans cesse, il assouvit ses yeux avides dans la passion qu’il a tout entière de vous posséder, tenant son âme attachée sur le bord de vos lèvres. O sainte Déesse, quand il est sur vos genoux , en l’étreignant de vos bras, répandez sur lui de votre belle bouche les paroles charmantes, et demandez-lui pour les Romains une heureuse paix.
(trad. de Michel de Marolles, seconde édition, Guillaume de Luyne, 1659)




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