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Une qualité que j'aime en un monarque


"Je dirai que l’amour sied bien à vos pareils :
Que ce tribut qu’on rend aux traits d’un beau visage
De la beauté d’une âme est un clair témoignage,
Et qu’il est malaisé que sans être amoureux
Un jeune prince soit et grand et généreux :
C’est une qualité que j’aime en un monarque,
La tendresse de cœur est une grande marque,
Et je crois que d’un prince on peut tout présumer
Dès qu’on voit que son âme est capable d’aimer."
La Princesse d'Elide, I, 1 (v. 20-28)

Dans sa tragédie Othon, créée le 31 juillet 1664 et achevée d'imprimer le 3 février 1665, Pierre Corneille associera à son tour la grandeur du souverain à sa capacité d'aimer, dans des termes voisins de ceux de Molière :

Et puisque ce grand choix me doit faire un époux,
Il serait bon qu'il eût quelque chose de doux,
Qu'on vît en sa personne également paraître
Les grâces d'un amant et les hauteurs d'un maître,
Et qu'il fût aussi propre à donner de l'amour
Qu'à faire ici trembler sous lui toute sa cour.
Souvent un peu d'amour dans les coeurs des monarques
Accompagne assez bien leurs plus illustres marques.
(III, 3, v. 919-926, p. 37)

Dans une scène de la tragédie Nitétis de Mlle Desjardins, créée en avril 1663, le tyran Cambyse est invité par son favori à adopter un comportement à la fois royal et amoureux dans des termes semblables :

Pour un jour seulement montrez par quelque marque
Qu'on peut être à la fois amoureux et monarque
Et que le jeune dieu dont vous sentez l'ardeur
N'arrache pas un sceptre en enflammant un coeur:
(I, 5)

Cette conception sera discutée et mise en cause dans le traité De l'art de régner (1665) du Père Le Moyne :

Ils [les poètes] attribuent aux grandes âmes un amour qu'ils appellent héroïque, soit parce qu'il demande vn tempérament de feu, comme le demandent les héros, soit parce qu'il a ses enthousiasmes et ses transports, comme la valeur héroïque a les siens [..]. Sur quelques raisons qu'ils soient fondés, ie ne voudrais pas ôter cette sorte d'amour aux princes, pourvu que la vertu s'y accorde, et que le christianisme y consente : et la vertu ni le christianisme n'y feront point d'opposition, quand il aura les conditions que je vais dire.
(p. 165)

Certains des vers prononcés par Arbate seront cités dans l'Histoire du Palais-Royal (1667), texte licencieux sur les amours du roi, paru clandestinement en 1667 (p. 64) (voir également "un premier coup d'oeil allume en nous les flammes")

(source : Marine Roussillon, "Théâtre et pouvoir avant l'institution : La Princesse d'Elide dans et après Les Plaisirs de l'Ile enchantée", Revue d'Histoire du Théâtre, 2014, p. 22).




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