Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Une espèce d'homme à qui l'on fera croire ce que l'on voudra


"Vous savez que pour l'esprit, il n'en a pas grâces à Dieu grande provision, et je le livre pour une espèce d'homme à qui l'on fera toujours croire tout ce que l'on voudra. "
Les Fourberies de Scapin, II, 4

Selon Scapin, Argante est à ranger parmi les individus crédules et superstitieux que les habiles politiques doivent savoir manipuler, selon l'idée exprimée dans les Considérations sur les coups d'état (1667) de Gabriel Naudé :

Et comme nous avons dit ci-dessus qu'il y avait quatre ou cinq moyens d'attraper ou tromper les trop crédules et superstitieux, aussi faut-il que celui qui se méfie de les pratiquer, ne soit pas si sot que de s'y laisser prendre par d'autres, qui s'en voudraient servir contre lui-même. Joint qu'à un ministre qui aura l'esprit assez bas pour le ravaler et soumettre à la créance de tant de fables, impostures, faux miracles, tromperies, et charlataneries qui se font ordinairement, ne pourra pas donner grande espérance de bien réussir en beaucoup d'affaires où il faut gaillardement enjamber par-dessus toutes ces folies. Les souplesses d'état, les artifices des courtisans, les menées et pratiques de quelques avisés politiques, trompent aisément un homme plongé dans des dévotions excessives et superstitieuses. La prédiction d'un devin, le croassement d'un corbeau, la rencontre d'un Maure, un faux bruit, quelque vaudeville, tromperie, ou superstition lui feront perdre l'escrime, l'étonneront, et le réduiront à prendre quelque parti honteux et déshonnête. A quoi s'il est tant soit peu porté de sa nature, la superstition, soeur germanique de cette crédulité, l'y plongera tout à fait et lui ôtera si peu de jugement qui lui pouvait rester.
(p. 317-318)




Sommaire | Index | Accès rédacteurs