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Un second père


"Monsieur, je viens saluer, reconnaître, chérir, et révérer en vous un second père; mais un second père, auquel j'ose dire que je me trouve plus redevable qu'au premier. Le premier m'a engendré; mais vous m'avez choisi. Il m'a reçu par nécessité; mais vous m'avez accepté par grâce. Ce que je tiens de lui est un ouvrage de son corps; mais ce que je tiens de vous est un ouvrage de votre volonté; et d'autant plus que les facultés spirituelles, sont au-dessus des corporelles, d'autant plus je vous dois, et d'autant plus je tiens précieuse cette future filiation, dont je viens aujourd'hui vous rendre par avance les très humbles, et très respectueux hommages."
Le Malade imaginaire, II, 5

La comparaison était célèbre pour avoir été formulée dans la "Vie de Fabius Maximus" des Vie des hommes illustres de Plutarque (1) (voir également "un garçon qui n'a point de méchanceté")

Les comédiens italiens de Paris avaient à leur répertoire une plaisanterie semblable, ainsi que l'attestent les notes de l'Arlequin Biancolelli pour "Le Collier de perles et la harangue" (30 juillet 1672) (2)


(1)
En disant cela il fit prendre les aigles romaines, et commandant à tous ses gens de le suivre dans le camp de Fabius, il alla de cette sorte jusques à la tente du dictateur. Chacun en était étonné, et on ne savait point ce qu'il avait envie de faire. Fabius vint au devant de lui, aux pieds duquel il mit les aigles romaines et, l'appelant son père à haute voix, les soldats de son armée, à son imitation, appelèrent les soldats de Fabius leurs patrons, titre que donnent les affranchis à ceux qui les ont tirés de la servitude. Sur cela il se fit un grand silence, et Minutius parla ainsi : Aujourd'hui tu as, ô Fabius, gagné deux grandes victoires : dans l'une tu as vaincu les ennemis par ta valeur, dans l'autre tu as vaincu ton collègue par ta prudence et par ta bonté. Tu nous as instruits, et tu nous as sauvés en même temps. Si nous avons reçu quelque honte et quelque perte par Annibal, nous avons reçu notre honneur et notre salut par ton secours. Aussi t'appellerai-je désormais, mon père, et si je savais quelque nom plus honorable, je te le donnerais. En effet, je t'ai plus d'obligation qu'à celui qui m'a engendré, car je reçus moi seul la vie de lui, et maintenant je reçois la vie de toi avec tous ceux que voici.
(XXVIII ; Les Vies des hommes illustres de Plutarque, nouvellement traduites de grec en français, par M. l'abbé Tallemant, 1664, t. 5, p. 161-162)

(source : R. Rébuffat, "Métamorphose de Fabius Cunctator : Thomas Diafoirus", Revue des Etudes Latines, 60, 1982, p. 339)

(2)

Quand je fais des compliments au docteur, je dis : "Je rends grâce à mon père qui m'a engendré pour être le gendre de la génération de votre progéniture".
(éd. D. Gambelli, Arlecchino a Parigi. Lo scenario di Domenico Biancolelli, Rome, Bulzoni, 1993, t. II, p. 584).




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