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Un point d'honneur


"Bien qu'il m'ait voulu perdre, un point d'honneur me presse
De secourir ici l'oncle de ma maîtresse."
Les Fâcheux, III, 5 (v. 791)

Le point d'honneur, qui poussera également Don Juan, voyant un homme attaqué par trois autres, à ne pas "souffrir cette lâcheté", est décrit par Antoine Courtin au chapitre IV (article 5) de la Suite de la civilité française, ou Traité du point d'honneur et des règles pour converser et se conduire sagement avec les incivils et les fâcheux (1675) (1).

Le point d'honneur constitue donc un cas exceptionnel pour lequel l'honnête homme est autorisé à saisir l'épée. Il ne saurait être confondu avec les multiples motifs qui peuvent servir de prétexte au combat singulier prohibé. Eraste, prompt à secourir son prochain les armes à la main, avait en revanche refusé, à la scène I, 6, de faire office de second dans un duel (voir "à quelque lâcheté/Le refus de mon bras").


(1)

Que l’on est obligé par toutes sortes de lois de prendre la défense de son prochain, et que c’est dans cette défense que l’on paraît homme de cœur.

Le droit de nature, et les lois de la charité nous permettent donc de défendre notre personne, notre honneur et nos biens ; et elles nous ordonnent précisément de prendre, quand nous le pouvons, la défense de ceux qui nous touchent : J’entends notre Prince, notre Patrie, nos proches, nos alliés, nos bienfaiteurs, les opprimés. Nous avons reconnu l’amour de Dieu envers nous, dit S. Jean [III,16], en ce qu’il a donné sa vie pour nous ; Et devons donner aussi notre vie pour nos frères. C’est une obligation qui vient du lien commun de la société, qui unit les hommes, et qui les oblige d’assister des malheureux qu’une violence injuste opprime. Celui, dit Cicéron [I De off.], qui ne s’oppose ou ne résiste pas s’il peut à l’injure que l’on fait à un autre, est aussi coupable, comme s’il abandonnait ses père et mère, sa patrie et ses parents.
[…]
[L]a véritable bravoure ou le véritable courage n’est autre chose que la fermeté du cœur qui se porte à la vertu et à son devoir, sans se laisser détourner par la crainte d’aucun danger, ni de la mort même.
(Suite de la civilité française, ou Traité du point d'honneur et des règles pour converser et se conduire sagement avec les incivils et les fâcheux, Paris, A. Josset, 1675, p. 102-103)

On se porte courageusement à toutes ces actions parce que l’on est persuadé qu’elles sont justes, et que l’on sent en soi-même qu’elles partent de cette convenance dont nous avons parlé, qui fait l’honnêteté.
(Ibid., p. 104)

Il faut […] pour former l’honneur que ces deux choses concourent ensemble, j’entends la vertu et l’éclat de la vertu.
(Ibid., p. 235)

Quand on dit que c’est un point d’honneur, on entend que c’est une règle, une loi et une maxime d’honneur reconnue par les honnêtes gens, laquelle on ne peut violer sans violer l’honneur même.
(Ibid., p. 237)




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