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Un pareil entretien


"Brisons, Madame, un pareil entretien
Il pousserait trop loin votre esprit et le mien"
Le Misanthrope, III, 4 (v. 1027-1028)

La perte de maîtrise de soi dont fait preuve Arsinoé correspond à la manière dont Donneau de Visé, dans une conversation de ses Nouvelles nouvelles (1663), décrit les rapports de l'envie et de la calomnie :

Vous dites que l’Envie se cache lorsqu'elle veut jeter du soupçon dans l'esprit de quelqu'un, et que, ne paraissant pas telle qu'elle est, elle fait croire ce qu'elle veut, et qu'ainsi, bien que le soupçon qu'elle jette soit sans sujet, il ne laisse pas que d'être désavantageux à la personne soupçonnée. Cela serait véritable, si l’Envie pouvait se déguiser longtemps et si son jeu ne la trahissait point, et ne la faisait bientôt paraître dans ces yeux et dans ces actions. Elle commence tout ce qu’elle entreprend avec beaucoup de conduite, mais dès qu’elle est en chemin, la Prudence la quitte, elle ne peut se régler, il lui est impossible de faire ce qu’avant que d’entreprendre, elle avait judicieusement projeté, sa fureur, qu’elle tâche de cacher, éclate, et, la faisant agir sans jugement et avec trop de précipitation, fait connaître son animosité . Dans cet état, elle ne peut s’empêcher de parler, elle dit trop de choses pour en faire croire aucune, et souvent la fureur l’aveugle tellement qu’elle la fait connaître, en lui faisant condamner des actions qui sont généralement approuvées.
Vous voyez par là que les soupçons que cause l’Envie ne durent pas longtemps, que le désavantage qu’elle apporte, au cas toutefois qu’il y en ait, est de peu de durée, et que lorsque l’Envie est une fois connue, on ne peut tirer que de la gloire des embûches qu’elle a dressés (sic), puisque l’on ne peut être attaqué d’une semblable ennemie sans avoir des qualités et des vertus considérables.
(t. II, p. 57-59)




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