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Un péché mortel


"Mais enfin apprenez qu'accepter des cassettes,
Et de ces beaux blondins écouter les sornettes,
Que se laisser par eux, à force de langueur,
Baiser ainsi les mains et chatouiller le coeur,
Est un péché mortel des plus gros qu'il se fasse."
L'Ecole des femmes, II, 5 (v. 595-599)

Les menaces d'Arnolphe renvoient au péché de concupiscence ainsi qu'au neuvième commandement, qui interdit le péché de luxure.

Depuis la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin les baisers et embrassements, acceptés dans une intention libidineuse, étaient considérés comme des péchés mortels (1)

Le Catéchisme du Concile de Trente mettait précisément l'accent sur la gravité du péché de luxure et les moyens de s'y soustraire (2).

Les motifs et les termes de la condamnation seront repris dans le Traité de la concupiscence de Bossuet (3).

Plus généralement, la séduction exercée par les jeunes gens serait, selon Arnolphe et conformément à certains traités contemporains, une entreprise diabolique (voir "la griffe est là-dessous").


(1)

Dictum est autem supra quod consensus in delectationem peccati mortalis est peccatum mortale, et non solum consensus in actum. Et ideo, cum fornicatio sit peccatum mortale, et multo magis aliae luxuriae species, consequens est quod consensus in delectationem talis peccati sit peccatum mortale, et non solum consensus in actum. Et ideo, cum oscula et amplexus et huiusmodi propter delectationem huiusmodi fiant, consequens est quod sint peccata mortalia. Et sic solum dicuntur libidinosa. Unde huiusmodi, secundum quod libidinosa sunt, sunt peccata mortalia.
(Summa theologica, IIª-IIae, q. 154 a. 4 co)

--

(2)

§ III. — REMÈDES CONTRE LES MAUVAISES PENSÉES.

[...]
Les remèdes qui procèdent de la pensée consistent principalement en ce que nous comprenions très bien tout ce qu’il y a de honteux et de pernicieux dans le péché d’impureté. Cette connaissance une fois acquise, il nous sera plus facile de le détester. Or ce qui nous fait sentir combien ce crime est funeste, c’est que ceux qui ont le malheur de le commettre, sont par le fait repoussés et exclus du Royaume de Dieu. Voilà bien le dernier de tous les maux.

Sans doute, ce malheur est commun à tous les péchés mortels, mais le péché dont nous parlons a cela de particulier que ceux qui s’en rendent coupables, pèchent contre leur propre corps. C’est l’enseignement de l’Apôtre. Il dit expressément : « Fuyez l’impudicité ; tous les autres péchés se commettent hors de nous ; mais celui qui s’abandonne à l’impudicité pèche contre lui-même, » c’est-à-dire qu’il se fait injure en profanant sa sainteté. Voilà pourquoi Saint Paul dit encore aux Thessaloniciens : « La volonté de Dieu c’est que vous deveniez des Saints, et que vous évitiez l’impudicité, et que chacun de vous sache posséder son corps dans la sainteté et l’honnêteté, ne suivant point les entraînements de la passion, comme font les nations qui ignorent Dieu. »
(Chapitre XXXIV, "Du sixième commandement")

-- (3)

Bossuet, Traité de la concupiscence [date?], 1821 :

Nous ne saurions trop déplorer les misères et les passions insensées où nous jette notre corps mortel ; et tout ce qui y attache, comme fait l'amour du plaisir des sens, nous fait aimer la source de nos maux, et nous attache à l'état de servitude où nous sommes.
(p. 32)

pour éviter le consentement, qui est le mal consommé, il faut continuellement résister au désir, qui en est le commencement.
(p. 33)

O Dieu, [...] qui oserait parler de cette profonde et honteuse plaie de la nature, de cette concupiscence qui lie l'âme au corps par des liens si tendres et si violents, dont on a tant de peine à se déprendre, et qui cause aussi dans le genre humain de si effroyables désordres ? Malheur à la terre, malheur à la terre, encore un coup, malheur à la terre, d'où sort continuellement une si épaisse fumée, des vapeurs si noires qui s'élèvent de ces passions ténébreuses, et qui nous cachent le ciel et la lumière ; d'où partent aussi des éclairs et des foudres de la justice divine contre la corruption du genre humain.
(p. 34)

les péchés ne procèdent pas des mains et membres du corps, ains du coeur comme de leur racine. Du coeur, dit [Jésus], partent pensées malignes, meurtres, adultères, paillardises, larrecins, faux témoignages, détraction, etc. Par quoi si tous les membres du corps avaient conspiré pour commettre un péché, ils ne le sauraient faire sans la concurrence du coeur et de la volonté.
(p. 186 [numérotée 174])

de résister au plaisir qui vient de la cogitation d'un péché mortel, c'est mérite, mais d'y consentir, c'est péché.
(p. 188)

le péché de luxure est un péché mortel, aussi l'est la délectation, et l'est aussi le consentement de s'y délecter : tellement que voilà péché sur péché.
(p. 189)

Ceux qui s'entrebaisent, se touchent, se regardent, se parlent impudiquement pour se provoquer à délectation, pèchent contre ce [neuvième] commandement.
(p. 192)




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