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Un marteau de tailleur de pierre


" C'est un coquin que je veux faire pendre. - Hélas! Monsieur, vous ne serez pas en peine de cela. En passant contre un bâtiment, il lui est tombé sur la tête un marteau de tailleur de pierre, qui lui a brisé l'os, et découvert toute la cervelle. Il se meurt, et il a prié qu'on l'apportât ici pour vous pouvoir parler avant que de mourir."
Les Fourberies de Scapin, III, 12

Un accident semblable

Mais l'accident rappelle avant tout celui de la tortue d'Eschyle, largement connu des contemporains : on le trouve mentionné dans :

Il est présenté comme une manifestation de la providence divine dans


(1)

Un habile Chirurgien,
Malheureux comme un pauvre chien,
Venant, avec un Commissaire,
Pour la poursuite d’une affaire,
D’écrire une relation
Conforme à sa Profession,
Vit terminer sa destinée
Du débris d’une cheminée
Que le feu, joint avec le vent,
Fit choir sur lui en un instant
Dans le beau milieu de la rue. [Montmartre.]
Cet amas de plâtre le tue
À trente pas de sa maison,
Et cela n’est ni beau ni bon.
Outre cet haïssable outrage,
Elle fit un autre dommage.
Un Ramoneur, des plus fameux
(Je veux dire des plus fumeux),
Quoiqu’il sût assez les routines,
S’enveloppa dans ces ruines,
Et, ramonant de haut en bas,
Fut pris en faisant son tracas.

(2)

La mort de Cyrano arriva en 1655, en la 35e année de son âge, par un coup d’une pièce de bois qu’il reçut par mégarde sur la tête, quinze ou seize mois auparavant, en se retirant un soir de chez M. le duc d’Arpajon.
(p. 433)

(3)

Eschyle sera menacé de mourir d'un coup à la tête, si bien que, pour éviter ce malheur, il aimera fort se promener en pleine campagne, mais les dieux le puniront d'avoir l'audace de vouloir résister au destin, car un grand aigle tenant une tortue et prenant la tête chauve d'Eschyle pour une pierre, la laissera tomber pour la casser ; ainsi, en pensant éviter la mort il la trouvera.
(p. 813-814)

(4)

Aeschilus, menassé de la cheute d'une maison, a beau se tenir à l'airte, le voylà assommé d'un toict de tortue, qui eschappa des pates d'une Aigle en l'air.

(5)

Eschylus ce nonobstant par ruine fut tué, et chute d une caquerolle de tortue, laquelle d'entre les gryphes d'une aigle haute en l'air tombant sur sa tete lui fendit la cervelle.
(IV, 17, éd. de 1659, p. 75)

(6)

La prudence humaine a la vue trop faible pour pénétrer les causes générales et particulières, quoiqu'elles soient toutes déterminées, et qu'elles n'aient rien de fortuit, leur nombre infini surpasse notre connaissance et notre capacité. Le pauvre Eschyle que les astres menaçaient d'une chute qui le devait écraser sous le poids, ne gagna rien de demeurer au milieu d'une campagne qui n'avait que le ciel pour couverture ; une Aigle le tua d'une grosse tortue, qu'elle laissa tomber sur la tête pelée de ce sage malheureux. L'on dira que ce fut un effet de sa mauvaise fortune, si l'on suit l'opinion vulgaire ; mais si vous considérez la chose de plus près, vous en jugerez tout autrement. Eschyle avait raison d'éviter la demeure des lieux couverts, puisqu'il savait qu'une maison ou un arbre tomberaient plutôt sur sa tête que le ciel qu'il connaissait pour couverture. Cette cause prochaine de sa perte s'offrait à son sens, sa raison y avait trouvé un remède probable, mais il ne devinait pas qu'une aigle prendrait sa tête nue pour une pierre sur laquelle elle laisserait tomber sa tortue, pour en rompre l'écaillé, et se paître de l'animal qu'elle enfermait. L'un et l'autre firent une action déterminée, Eschyle eut pour but d'éviter la chute des maisons et des arbres, et l'aigle de casser l'écaillé de sa tortue : l'accident qui en arriva vint de l'ignorance d'Eschyle, qui ne prévit pas le vol de l'aigle, et de la méprise de l'aigle, qui prit la tête d'un philosophe pour un rocher.
(p. 297)

(7)

L'aventure que le peintre nous présente en ce tableau n'est pas moins étrange qu'elle est rare. Elle nous fait voir qu'il y a une notable différence entre un sage et un savant ; et qu'assez souvent toute la rhétorique et toute la poésie peuvent être renfermées dans la tête d'un fou. Elle nous apprend aussi que malgré les prédictions contraires, l'heure de notre mort dépend d'une horloge qui ne peut comme les nôtres, être ni retardées par notre crainte, ni avancée par nos impatiences. Le bon vieillard tout chauve et tout blanc, que vous voyez dans une profonde méditation, est ce grand ornement de la Grèce, qui a donné le commencement et les beautés de la tragédie. On l'avait menacé qu'il finirait ses jours par la chute d'une voûte. Pour se moquer de cette prédiction, il quitta sa ville et choisit pour sa demeure ordinaire, les plus agréables solitudes de la Sicile. Mais un jour qu'il était attentif à la production de quelque excellente pièce , un aigle qui avait pris une tortue sur le rivage prochain, et qui s'était élevé bien haut en l'air, s'arrêta malheureusement au-dessus d'une si précieuse tête ; et n'ayant pas des yeux d'aigle en cette occasion, la prit pour une pointe de rocher, et l'écrasa en voulant écraser la Tortue.
(p. 95)

(8)

Ainsi, cher Théotime, cette providence touche tout, règne sur tout, et réduit tout à sa gloire. 11 y a toutefois certes des cas fortuits et des accidents inopinés ; mais ils ne sont ni fortuits, ni inopinés qu'à nous : et sont, sans doute, très certains à la providence céleste, qui les prévoit et les destine au bien public de l'univers. Or ces cas fortuits se font par la concurrence de plusieurs causes, lesquelles n'ayant point de naturelle alliance les unes aux autres, produisent une chacune son effet particulier, en telle sorte néanmoins que de leur rencontre réussit un autre effet d'autre nature, auquel, sans qu'on l'ait pu prévoir, toutes ces causes différentes ont contribué. 11 était, par exemple, raisonnable de châtier la curiosité du poète Eschilus, lequel ayant appris d'un devin, qu'il mourrait accablé de la chute de quelque maison, se tint tout ce jour-là en une rase campagne, pour éviter le destin ; et demeurant ferme, tête nue, un faucon qui tenait entre ses serres une tortue en l'air, voyant ce chef chauve, et cuidant que ce fût la pointe d'un rocher, lâcha la tortue droit sur icelui ; et voilà que Eschilus meurt sur-le-champ, accablé de la maison et écaille d'une tortue. Ce fut sans doute un accident fortuit; car cet homme n'alla pas au champ pour mourir, ains pour éviter la mort ; ni le faucon ne cuida pas écraser la tête d'un poète, ains la tête et l'écaille de la tortue, pour par après en dévorer la chair : et néanmoins il arriva au contraire ; car la tortue demeura sauve et le pauvre Eschilus mort. Selon nous, ce cas fut inopiné, mais, au regard de la providence qui regardait de plus haut, et voyait la concurrence des causes , ce fut un exploit de justice par lequel la superstition de cet homme fut punie.
(éd. des Oeuvres de 1669, p. 306)




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