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Un laquais ôte les assiettes


"Un laquais ôte les assiettes de Sganarelle d'abord qu'il y a dessus à manger. Mon assiette, mon assiette. Tout doux, s'il vous plaît. Vertubleu, petit compère, que vous êtes habile à donner des assiettes nettes, et vous, petit la Violette, que vous savez présenter à boire à propos. Pendant qu'un laquais donne à boire à Sganarelle, l'autre laquais ôte encore son assiette."
Don Juan ou le Festin de pierre, IV, 7

Le même jeu de scène avait été développé dans la pièce à machines Rosaure impératrice de Constantinople, jouée par les comédiens du Théâtre italien au Petit-Bourbon en 1658, ainsi que l'attestent

Un scène analogue figurait dans Le Gouvernement de Sanche Panse (1642), joué trente fois par la troupe de Molière entre 1659 et 1660 (3)


(1)
Scaramouche, que la fin pressait, ne peut retenir les plaintes qu'il en fait à son maître ; mais à peine lui a-t-il fait entendre ses faibles accents qu'il voit paraître une grande table qu'invisiblement est découverte et paraît pleine de toutes sortes de mets, sans qu'il voie qui l'ait préparée et qui y doit servir. Scaramouche, sans cérémonie, s'approche de la table, convié par son maître, et se mettant en devoir de se rassasier desdites viandes, il en est empêché par tant d'accidents ridicules qui surviennent et par des tromperies invisibles, en sorte qu'en lui la colère et la faim également augmentent. La table est enlevée, Scaramouche la suit, au désespoir de n'avoir rien mangé.
(Acte second, reproduction de l'Argument de 1658 dans L'Histoire du théâtre français (1753) des Frères Parfaict, p. 45)

(2)

Mais entre cent choses exquises,
Qui causent d'aimables surprises,
Entre quantité d'accidents,
Qui font rire malgré les dents,
Et qui raviraient une souche,
C'est la table de Scaramouche
Contenant fruit, viande et pain,
Et pourtant il y meurt de faim,
Par des disgrâces qui surviennent,
Et qui de manger le retiennent;
Or, comme en tout événement,
Il grimace admirablement,
Il fait voir en cette occurrence,
La naïve et rare excellence
De son talent facétieux,
Et ma foi, divertit des mieux.

(3)

On tire un rideau où l'on voit apparaître une table couverte de quantité de plats. Sanche lave ses mains, et s'assied cependant qu'on joue des violons et qu'on chante en musique le sizain suivant :
Insigne gouverneur d'une île fortunée,
Le Ciel te l'a donnée,
Pour apprendre que c'est que la sobriété,
Parmi les mets que l'on t'étale,
Tu feras voir la vérité
Du feint supplice de Tantale.

SANCHE
C'est assez, mes amis, je veux dîner sans bruit ;
Suivant l'ordre ancien, commençons par le fruit.

LE DOCTEUR se tient debout derrière Sanche, et donne de sa baguette sur le premier plat.
Ôtez ce plat.
On remet un autre plat.

SANCHE
Ceci n'a pas mauvaise grâce ;
Goûtons-en.

LE DOCTEUR,frappant de sa baguette
Remettez ce ragoût à sa place.

SANCHE
Qu'est-ce que tout ceci, Monseigneur le Docteur,
Avez-vous résolu que je dîne par coeur ?
(IV, 2, p. 75-76)




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