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Un faux-fuyant


"Et son raisonnement me vint persuader
De lui donner plutôt la cassette à garder;
Afin que pour nier, en cas de quelque enquête,
J'eusse d'un faux-fuyant, la faveur toute prête,
Par où ma conscience eût pleine sûreté
À faire des serments contre la vérité."
Le Tartuffe, V, 1, v. 1585-1591

L'usage de faux-fuyants qui ménagent la conscience est un des artifices de la restriction mentale dénoncés dans la IXe des Provinciales (1656-1658) de Pascal :

Je veux maintenant vous parler des facilités que nous avons apportées pour faire éviter le péché dans les conversations et dans les intrigues du monde. Une chose des plus embarrassantes qui s'y trouve est d'éviter le mensonge, et surtout quand on voudrait bien faire accroire une chose fausse. C'est à quoi sert admirablement notre doctrine des équivoques, par laquelle il est permis d'user de termes ambigus, en les faisant entendre en un autre sens qu'on ne les entend soi-même, comme dit Sanchez, Op. Mor., p. 2, l. 3, ch. 6, n. 13. Je sais cela, mon Père, lui dis-je. Nous l'avons tant publié, continua-t-il, qu'à la fin tout le monde en est instruit. Mais savez-vous bien comment il faut faire quand on ne trouve point de mots équivoques? Non, mon Père. Je m'en doutais bien, dit-il; cela est nouveau: c'est la doctrine des restrictions mentales. Sanchez la donne au même lieu: On peut jurer, dit-il, qu'on n'a pas fait une chose, quoiqu'on l'ait faite effectivement, en entendant en soi-même qu'on ne l'a pas faite un certain jour ou avant qu'on fût né, ou en sous-entendant quelque autre circonstance pareille, sans que les paroles dont on se sert aient aucun sens qui le puisse faire connaître; et cela est fort commode en beaucoup de rencontres, et est toujours très juste quand cela est nécessaire ou utile pour la santé, l'honneur ou le bien.
(p. 5)




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