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Un coeur préoccupé résiste puissamment


"Et c'est dans ce mépris, et dans cette humeur fière
Que votre âme à ses vœux doit voir plus de lumière,
Puisque le sort vous donne à conquérir un cœur
Que défend seulement une jeune froideur,
Et qui n'impose point à l'ardeur qui vous presse
De quelque attachement l'invincible tendresse:
Un cœur préoccupé résiste puissamment ;
Mais quand une âme est libre, on la force aisément,
[...]
Et si de ses fiertés l'impérieux caprice
Ne vous fait éprouver un destin plus propice,
Au moins est-ce un bonheur en ces extrémités
Que de voir avec soi ses rivaux rebutés."
La Princesse d'Elide, I, 1 (v. 117-136)

Parmi les "Questions d'amour proposées par Mme de Brégy avec la réponse faite en vers par M. Quinault" (1666), on trouve précisément la question suivante :

Question IV.
S'il est plus doux d'aimer une personne dont le coeur est préoccupé, qu'une autre dont le coeur est insensible.

Réponse.
Il n'est point de mépris qui ne soit rigoureux,
Mais c'est un moindre mal de se voir amoureux,
D'une beauté pour tous inexorable,
Que d'un objet qui brûle d'autres feux.
La gloire est grande à vaincre une insensible aimable ;
Et du moins en l'aimant si l'on est misérable,
On n'a point de rival heureux.
(dans le Recueil de pièces galantes en prose et en vers, par Madame la comtesse de la Suze et Monsieur Pelisson, 1684, p. 132)

A cette question sont proposées deux autres réponses un peu plus bas :

Réponse.
L'Amour doit toujours tendre à la plus grande gloire,
Fléchir une insensible est un commun effort ;
Mais vaincre un coeur charmé est la belle victoire,
On a plus de douceur dans ce dernier transport.
C'est un bien de sentir sa souffrance vengée :
Mais c'est un plaisir sans égal
De pouvoir surmonter dans une âme engagée,
Et sa maîtresse et son rival.
(Ibid., p. 134-135)

Réponse.
Qui voudra se laisse charmer
Des attraits d'une inexorable.
Celle qui sait ce que c'est que d'aimer
Est à mon gré la plus aimable.
De mon rival si l'amour est payé,
En ma faveur la belle ira plus vite,
Sûrement au arrive au gîte
Quand on tient un chemin frayé.
(Ibid., p. 137)

La démonstration sera reprise dans le roman Carmente (1666) de Mlle Desjardins, publié en 1666 (éd. des Oeuvres de 1720, p. 50 et suiv.)




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