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Un avis que par vous je veux donner au roi


Je ne me repais point de visions frivoles,
Et je vous porte ici les solides paroles,
D'un avis, que par vous je veux donner au Roi ;
Et que tout cacheté je conserve sur moi.
Les Fâcheux III, 3 (v. 703-705)

Le « donneur d’avis » en matière de finances publiques est critiqué dans la 216e des Conférences du bureau d’adresses (1666) consacrée à la curiosité (1).

Le personnage renvoie également à la tradition satirique espagnole des «arbitristes», dont la version originale du motif avait été élaborée par Cervantès au sein de la nouvelle du "Coloquio de los perros" (Novelas ejemplares, 1613) (2).


(1)

En la Théologie, cette qualité fait les Hérétiques ; En la Médecine, son excès fait les Alchimistes ; elle, les gueux , et souvent les faux monnayeurs avec la fin qui leur est ordinaire ; En la Justice, les chercheurs de subtilité, chicaneurs et acheteurs d'actions ; Aux finances, les donneurs d'avis injustes et préjudiciables au peuple ; Aux Mathématiques, ceux qui cherchent la quadrature du Cercle, le mouvement perpétuel, la fontaine sans fin, et telles autres propositions qui jusques ici passent pour impossibles.
(tome IV, p. 202)

(2)

Yo, señores, soy arbitrista, y he dado a Su Majestad en diferentes tiempos muchos y diferentes arbitrios, todos en provecho suyo y sin daño del reino; y ahora tengo hecho un memorial donde le suplico me señale persona con quien comunique un nuevo arbitrio que tengo: tal, que ha de ser la total restauracion de sus empeños; pero, por lo que me ha sucedido con otros memoriales, entiendo que éste también ha de parar en el carnero. Mas, porque vuesas mercedes no me tengan por mentecapto, aunque mi arbitrio quede desde este punto público, le quiero decir, que es éste: Hase de pedir en Cortes que todos los vasallos de Su Majestad, desde edad de catorce a sesenta años, sean obligados a ayunar una vez en el mes a pan y agua, y esto ha de ser el día que se escogiere y señalare, y que todo el gasto que en otros condumios de fruta, carne y pescado, vino, huevos y legumbres que han de gastar aquel día, se reduzga a dinero, y se dé a Su Majestad, sin defraudalle un ardite, so cargo de juramento; y con esto, en veinte años queda libre de socaliñas y desempeñado. Porque si se hace la cuenta, como yo la tengo hecha, bien hay en España más de tres millones de personas de la dicha edad, fuera de los enfermos, más viejos o más muchachos, y ninguno déstos dejará de gastar, y esto contado al menorete, cada día real y medio; y yo quiero que sea no más de un real, que no puede ser menos, aunque coma alholvas. Pues ¿paréceles a vuesas mercedes que sería barro tener cada mes tres millones de reales como ahechados?
[…] Riyéronse todos del arbitrio y del arbitrante, y él también se riyo de sus disparates; y yo quedé admirado de haberlos oído y de ver que, por la mayor parte, los de semejantes humores venían a morir en los hospitales.

Moi, Messieurs, suis Donneur d'avis et en ai donné à sa Majesté en divers temps plusieurs différents tous à son profit, et pas un au dommage du Royaume. Mais à présent j'ai fait un mémoire, par lequel je la supplie de commettre quelqu'un, avec qui je puisse communiquer un nouvel avis, qui seul peut-être l'acquit universel de toutes ses dettes. […] Je veux proposer au Roi que toutes ses sujets depuis l'âge de quatorze ans, jusques à soixante, soient obligés à jeûner une fois le mois au pain et à l'eau tel jour qu'on voudra choisir; et que toute la dépense du fruit , chair, poisson, oeufs, vin et légumes qu'on a accoutumé de faire ce jour-là, se réduise en argent, et se donne à sa Majesté sans lui faire tort d'un denier: Par ce moyen, en vingt ans il demeurera quitte et bien désengagé. Car si l'on fait bien le compte comme je l'ai fait, il y a en Espagne lus de trois millions de personnes dudit âge (hors les malades plus vieux ou plus jeunes) aucune desquelles ne dépense pas moins d'un real et demi par jour: je veux que ce ne soit qu'un real, il ne peut pas être moins quand il mangerait du senegré. Et vous semble-t-il que ce soit peu de chose d'avoir tous les mois trois millions de reales?
[…] Tous [les chiens] se mirent à rire de cet avis, et de celui qui le donnait, et lui-même se rit encore de sa folie, et demeure étonné de les avoir ouïs, et de voir que la plupart des gens de cette humeur s'en allait mourir dans les Hôpitaux.
(traduction d’Audiguier, 1621, p. 309-310)




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