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Témoigner l'amitié


"L’amitié doit surtout éclater
Aux choses qui le plus, nous peuvent importer ;
Et comme il n’en est point de plus grande importance,
Que celles de l’honneur et de la bienséance,
Je viens, par un avis qui touche votre honneur,
Témoigner l’amitié que pour vous, a mon cœur"
Le Misanthrope, III, 4, v. 879-883

La correction fraternelle fait partie des obligations de l'amitié qui avaient été décrites dans le sermon "Sur la charité fraternelle", prêché par Bossuet en 1662, dans le Carême du Louvre, devant le roi :

Pour acquérir, chrétiens, une science si nécessaire, il ne faut point d'autre docteur qu'un ami fidèle. Venez donc, ami véritable, s'il y en a quelqu'un sur la terre ; venez me montrer mes défauts que je ne vois pas. Montrez-moi les défauts de mes mœurs, ne me cachez pas même ceux de mon esprit. Ceux que je pourrai réformer, je les corrigerai par votre assistance ; et s'il y en a qui soient, sans remède , ils serviront à confondre ma présomption. Venez donc, encore une fois, ô ami fidèle, ne me laissez pas manquer en ce que je puis, ni entreprendre plus que je ne puis, afin qu'en toutes rencontres je mesure ma vie à la raison et mes entreprises à mes forces.

Cette obligation, chrétiens, entre les personnes amies est de droit étroit et indispensable. Car le précepte de la correction étant donné pour toute l'Eglise dans l'évangile que nous traitons, il serait sans doute à désirer que nous fussions tous si bien disposés que nous pussions profiter des avis de tous nos frères. Mais comme l'expérience nous fait voir que cela ne réussit pas, et qu'il importe que nous regardions à qui nos conseils peuvent être utiles, ce précepte de nous avertir mutuellement se réduit pour l'ordinaire envers ceux dont nous professons d'être amis. Je suis bien aise, Messieurs, de vous dire aujourd'hui ces choses, parce que nous tombons souvent dans de grands péchés pour ne pas assez connaître les sacrés devoirs de l'amitié chrétienne. La charité, dit saint Augustin, voudrait profiter à tous ; mais comme elle ne peut s'étendre autant dans l'exercice qu'elle fait dans son intention, elle nous attache principalement à ceux qui par le sang, ou par l'amitié ou par quelque autre disposition des choses humaines, nous sont en quelque sorte échus en partage. Regardons nos amis en cette manière : pensons qu'un sort bienheureux nous les a donnés pour exercer envers eux ce que nous devrions à tous, si tous en étaient capables. C'est une parole digne de Caïn que de dire : "Ce n'est pas à moi à garder mon frère". Croyons, Messieurs, au contraire, que nos amis sont à notre garde, qu'il n'y a rien de plus cruel que la complaisance que nous avons pour leurs vices, que nous taire en ces rencontres c'est les trahir ; et que ce n'est pas le trait d'un ami, mais l'action d'un barbare, que de les laisser tomber dans un précipice faute de lumière, pendant que nous avons en main un flambeau que nous pourrions leur mettre devant les yeux.
(t. IX, p. 246-247)




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