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Subligny, La Muse de la Cour à Monseigneur le Dauphin du 17 juin 1666
- Pour changer un peu de discours,
- Une chose de fort grand cours
- Et de beauté très singulière
- Est une pièce de MOLIÈRE.
- Toute la Cour en dit du bien :
- Après son MISANTHROPE il ne faut plus voir rien ;
- C’est un chef-d’œuvre inimitable.
- Mais moi, bien loin de l’estimer,
- Je soutiens, pour le mieux blâmer,
- Qu’il est fait en dépit du Diable.
- Ce n’est pas que les vers n’en soient ingénieux :
- Ils sont les plus charmants du monde,
- Leur tour, leur force est sans seconde,
- Et serait fin qui ferait mieux ;
- Mais je prouve ainsi ma censure :
- Il peint si bien tous les péchés
- Que le Diable fait faire à toute la Nature
- Que ceux qui s’en croiront tâchés
- Les haïront sur sa peinture,
- Et qu’ainsi les Diables, à cru,
- N’y gagneront plus un fétu.
- Il daube encor si fort le Marquis ridicule
- Que de l’être on fera scrupule,
- Et ce n’est pas un petit tort
- Que cela ferait à nos PRINCES,
- Qui de ces Marquis de Provinces
- Parfois se divertissent fort.
- Cela me fait dire en colère
- Ce qu’autrefois j’ai déjà dit :
- Qu’on devrait défendre à MOLIÈRE
- D’avoir désormais tant d’esprit.
(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome I (mai 1665-juin 1666) de l'édition du Bon Nathan-James-Edouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs).
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