Content-Type: text/html; charset=UTF-8
Subligny, La Muse Dauphine à Monseigneur le Dauphin du 24 février 1667
- Ballets, Bals, Mascarades, Courses,
- Et d’autres plaisirs infinis,
- Qui remplissent l’esprit en vidant bien des bourses,
- En ce temps-ci, SEIGNEUR, seront-ils bannis ?
- On dit que notre grand Monarque,
- Qui les a déjà fait cesser,
- Attendra pour le moins, s’il faut qu’on s’y rembarque,
- Jusqu’à la Mi-Carême à les recommencer.
- Hé ! mon Dieu, si l’on recommence,
- Que ce soit par notre Ballet ;
- Je crois qu’il n’est personne en FRANCE
- Qui n’en soit revenu tout à fait satisfait ;
- Mais pas tant toutefois que MONSIEUR DE LYONNE.
- Un ROI qui mieux que tout sait porter la Couronne,
- À lui seul, à ce que je vis,
- Dit, lui faisant une agréable avance :
- « MONSIEUR UN TEL, JE SUIS DE VOS AMIS,
- » ET JE DONNE LA SURVIVANCE
- » DE VOTRE CHARGE A VOTRE FILS.
- » CHERCHEZ L’UN DE CES JOURS EN FRANCE,
- » POUR VOTRE FILLE, UN DES MEILLEURS PARTIS,
- » ET N’APPREHENDEZ POINT DE MANQUER DE CHEVANCE. »
- On serait satisfait à bien moins que cela ;
- Aussi ce grand Ministre a bien sujet de l’être ;
- Il n’a jamais connu peut-être
- Deux amis comme celui-là.
- Sortant de ce Ballet, plus doux que le Carême,
- Savez-vous ce qu’on fit encore ?
- On maria BRANQUETTE aux COMTE DE MONT LOR.
- BRANQUETTE, ce TENDRON ? oui BRANQUETTE elle-même ;
- Elle est Princesse, et tient un Mari si charmant
- Que plus de cent Beautés en auront de l’envie.
- Mais à quoi songe-t-on ? Hélas ! la pauvre Enfant,
- Elle a bien acheté la gloire de sa vie.
- Elle ne dormit point la nuit du Samedi,
- À cause du Ballet où l’on la vit dansante ;
- Dimanche elle épousa l’Amant que je vous dis ;
- C’était pour moins dormir encor la nuit suivante,
- Jugez, en achetant cela si chèrement,
- Si le bien lui vient en dormant.
- Le PRINCE D’HARCOURT, son BEAU-PÈRE,
- Lui demanda, dit-on, le lendemain matin,
- S’il faisait bon coucher avecque son cousin ;
- Vraiment, c’était un beau conte à lui faire :
- Qui ne sait pas qu’aujourd’hui, chez des Grands,
- Le plaisir est charmant d’une double manière
- Lorsqu’on le communique à ses proches Parents ?
- Au reste, MONSEIGNEUR, ce couple inestimable
- Pourra passer la vie ensemble sans ennui :
- La charmante BRANCAS est jeune et plus qu’aimable,
- Et MONT-LOR n’en voit point qui soient mieux faits que lui.
- D’ailleurs notre Puissant MONARQUE
- A, dit-on fait, voir une marque,
- Des Royales bontés qu’il a
- En faveur de cet Hymen là.
- Le COMTE DE BRANCAS ne les peut reconnaître :
- Une Auguste Maîtresse autrefois, par sa mort,
- L’avait mis en état de se plaindre du sort ;
- Mais on ne perd pas tout quand il reste un bon Maître.
(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome II (années 1666-67) de l'édition du Bon Nathan-James-Edouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs).
Sommaire | Index | Accès rédacteurs