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Soutenir avec fermeté l'abord de votre père


"Vous, préparez-vous à soutenir avec fermeté l'abord de votre père. - Je t'avoue que cet abord me fait trembler par avance, et j'ai une timidité naturelle que je ne saurais vaincre. - Il faut pourtant paraître ferme au premier choc, de peur que, sur votre faiblesse, il ne prenne le pied de vous mener comme un enfant. Là, tâchez de vous composer par étude. Un peu de hardiesse, et songez à répondre résolûment sur tout ce qu'il pourra vous dire. - Je ferai du mieux que je pourrai. - Çà, essayons un peu, pour vous accoutumer. Répétons un peu votre rôle, et voyons si vous ferez bien."
Les Fourberies de Scapin, I, 3.

Un passage de la scène I, 4 du Phormion de Térence développait une situation où le jeune homme, après avoir tenté de garder sa contenance, s'enfuit à l'arrivée de son père :


(1)

Atqui opus est nunc, cum maxume ut sis Antipho;
Nam si senserit te timidum pater esse, arbitrabitur
Commeruisse culpam. PH. Hoc verumst. AN Non possum inmutarier.
GE Quid si aliquid gravius tibi nunc faciundum foret ?
AN Cum hoc non possum, illud minus possem. GE Hoc nihil est, Phaedria, ilicet.
Quid conterimus operam frustra? quin abeo? PH Et quidem ego? GEObsecro,
Quid si assimulo? satin est? GE Gratis. AN Voltum contemplamini: hem
Satine sic est? GE Non. AN Quid si sic? GE Propemodum. GE Quid sic? GE sat est.
Eem istuc serva, et verbum verbo, par pari ut respondeas,
Ne suis te tratus saevidictis protelet. AN Scio.
GE Vi coactum te esse invitum, lege, iudicio, tenes?
Sed quis hic est senex quem video in ultima platea? AN ipsus est.
Non possum adesse. GE Ah quid agis? quo abis Antipho ? mane
Mane inquam. ANEgomet me novi et peccatum meum:
Vobis commendo Phanium et vitam meam.

(2)

GE. Cependant c'est à cette heure que vous devez être à vous plus que jamais. Car, si votre père s'aperçoit que vous ayez peur, il ne manquera point sitôt de croire que vous êtes coupable. PH. Cela est très vrai. AN. Je ne puis pas changer de nature. GE. Et s'il vous fallait donc faire présentement quelque chose de plus difficile ? AN. Ne pouvant pas faire ceci, je serais encore plus incapable de le faire. GE. Phédrie, voilà un garçon qui n'est bon à rien ; allons-nous-en ; pourquoi perdons-nous ici le temps davantage ? Pour moi, je m'en vais. PH. Et moi aussi. AN. Ecoutez, un peu je vous pris, je vais tâcher de faire bonne mine. Suis-je bien comme cela ? GE. Vous vous amusez à niaiser. AN. Regardez-moi. Ne parais-je pas assez assuré ? GE. Non. AN. Et à cette heure ? GE. Non, pas encore tout à fait. AN. Oh bien, voyez encore. GE. Voilà qui est bien. Demeurez comme cela, et répondez-lui ferme. A bon chat, bon rat; bien attaqué, bien défendu ; afin qu'il ne vous aille pas renverser d'abord en criant et en tempêtant. AN. Je vois bien. GE. Que ça a été malgré vous, que vous y avez été contraint par la loi, par les juges. Entendez-vous ? Mais qui est ce vieillard que je vous au bout de cette rue ? AN. C'est lui-même. Je ne puis pas demeurer davantage. GE. Ah, que faites-vous ? Antiphon, où allez-vous ? Demeurez, demeurez, vous dis-je. AN. Je me connais, je sais quelle est ma faute. Je vous recommande Phanie et ma vie avec elle.
(éd. de 1669, p. 153-154)

(3)

GE. Vous avez pourtant besoin de vous aider vous-même : car si votre père s’aperçoit une fois que vous avez peur, il se persuadera tout aussitôt que vous êtes coupable. PH. Cela est vrai. AN. Je ne saurais changer mon naturel. GE. Que feriez-vous donc, s’il fallait vous résoudre à quelque chose de plus malaisé ? AN. Ne pouvant faire ceci, je suis beaucoup moins capable de faire cela. GE. Nous ne faisons rien ici, Phédrie : allons-nous en, nous perdons le temps, je m’en vais. PH. Et moi aussi. AN. Quoi ! Suffira-t-il, je vous prie, que je fasse bonne mine ? GE. Vous ne faites que causer. AN. Regardez mon visage. Hé bien ! paraît-il assez résolu ? GE. Non. AN. Et en cette sorte ? GE. Vous y êtes presque. AN. Et à cette heure ? GE. Voilà qui n’est pas mal. Demeurez comme cela : et de la sorte qu’il vous parlera, répondez-lui de même ; de peur que s’il se mettait en colère, il ne vous étonnât de ses terribles menaces. AN. Je comprends bien. GE. Que ç’a été malgré vous, que vous y avez été contraint par la Loi et par la Justice, entendez-vous ? Mais qui est ce Vieillard que je vois là-bas au bout de la place ? AN. C’est lui-même. Je n’oserais me présenter devant lui. GE. Ha ! que faites-vous ? Où allez-vous, Antiphon ? Demeurez, demeurez, vous dis-je. AN. Je me connais bien, et je sais quelle est ma faute : au moins je vous recommande Phanie, et ma vie avec elle.




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