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Sotte condition


"Sotte condition que celle d'un esclave ! de ne vivre jamais pour soi, et d'être, toujours, tout entier aux passions d'un maître! de n'être réglé que par ses humeurs, et de se voir réduit à faire ses propres affaires de tous les soucis qu'il peut prendre ! Le mien me fait, ici, épouser ses inquiétudes ; et parce qu'il est amoureux, il faut que nuit, et jour, je n'aie aucun repos."
Le Sicilien, scène I

Le lieu commun de la comédie latine selon lequel un valet se plaint de servir "un patron jeune et fort amoureux" se trouvait déjà dans Le Dépit amoureux.

Dans un passage célèbre de l'Amphitruo de Plaute, dont Marolles avait procuré une traduction en 1658, Sosie se plaignait de sa condition en des termes proches :

Hæc heri immodestia me coegit, qui hoc
Noctis a portu ingratis excitauit.
Nonne idem potuit huc mittere me luci ?
Homini opulento seruitus hoc est dura,
Hoc, inquam, magis miser est ditis seruos :
Noctes diesque aβiduo satis superque est,
Quo facto, aut dicto adest opus, quietus ne(c) sis. [c SCAL. sit.]
Ipse diues operas, et laboris expers,
Quòdeunque accidit libere, (d) posseretur : [d SCAL. libère. posse.]
Aequom putat : non reputat laboris quid sit :
Nec, æquo manne iniquom imperet, cogitabit.
Ergo, IN SERUITUTE expetŭt multa iniqua :
Habendum et ferendum hoc onus est cum labore.
ME. Satiust me quieri illo modo seruitutem ;
Qui fuerim liber, quem nunc potiuit pater
Seruitutis : hic, verna natus queritur.

SOSIE :
L'indiscrétion de mon Maître m'a toutefois engagé dans ce péril. Il m'a réveillé lui-même en dépit de moi, et m'a fait partir du port pendant la nuit. Ne pouvait-il pas bien attendre qu'il fût jour ? En cela, sans mentir, la servitude chez les grands est bien plus rude, que chez les petits : et le serviteur d'un homme riche est beaucoup plus malheureux que celui d'un pauvre, les jours et les nuits y suffisent à peine ; et toujours, il y a quelque chose à dire ou à faire auprès de ces gens-là, sans qu'on y puisse trouver un moment de repos. Un Seigneur riche qui ne prend point de connaissance de l'ouvrage ni du labeur d'un homme, s'imagine qu'il n'en arrive point aux gens de notre sorte, qu'ils n'en soient très contents. Il croit que les charges sont proportionnées aux forces de chacun, et qu'il n'y en a point, venant de leur part, qui les puissent incommoder, sans se mettre jamais en souci de connaître si les ordres qu'il donne sont justes ou injustes. Il arrive donc bien des choses fâcheuses dans la servitude, qu'il faut supporter avec beaucoup de fatigue comme un pesant fardeau.

MERCURE :
Ce serait bien plutôt à moi de me plaindre aujourd'hui de la servitude, puisque je suis né libre, et que néanmoins, mon père ne laisse pas d'exiger de moi le service que je lui rends maintenant.
(p. 9-10)




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