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Sommes-nous chez les Turcs pour renfermer les femmes


"Sommes-nous chez les Turcs pour renfermer les femmes?
Car on dit qu'on les tient esclaves en ce lieu,
Et que c'est pour cela, qu'ils sont maudits de Dieu".
L'Ecole des maris, I, 2 (v. 144-146)

L'imaginaire du sérail est tout à fait commun au XVIIe siècle et ce, depuis la "découverte" de l'Orient par les voyageurs de la Renaissance qui, à l'image de Guillaume Postel, se sont attachés à décrire avec précision les conditions de la claustration féminine dans le monde des sultans (De la République des Turcs,1560) :

Les Princes ou gouverneurs de Court ou de païs, en ont quarante, cinquante, autant de plus que du moins, toutes en un enclos comme un monastère, chacune a sa part et chambres gardées par Eunuques ou Gardes-couches, si bien hors des dangers de malfaire, qu'il ne les faut de rien douter. Iceus gardent sur la vie qu'il n'y ait homme du monde qui y voise, ou les regarde seulement, fors le seigneur à qui elles sont. Le Prince Turc en a en divers Parcs ou Serrails grandes multitudes, et principalement en un Serrail de Constantinople, qui est au milieu de la ville, là ou à mon partir y en avoit plus de trois cens, et ne demeure guere ce nombre en equalité, qu'il ne croisse ou diminue.
(p. 6)

La Mothe le Vayer l'évoque dans l'une des conversations de sa Promenade (1662) :

L'on n'est pas moins injuste de tenir une belle femme renfermée et sans communication à la turque, Dieu l'ayant apparemment créée, aussi bien que la lumière, pour donner une innocente satisfaction à ceux qui sont capables de comprendre ce qu'elles valent. Aussi le péril n'est-il pas petit, au moins selon nos moeurs, d'en user de la sorte.
(Oeuvres, éd. de 1756, IV, 1, p. 128-129)

La plaisanterie sera reprise à la scène IV de la comédie Champagne le coiffeur (1664) de Boucher :

Qu'il fait encor bon en Turquie !
Que l'on y garde bien l'honneur !
Que ne suis-je le grand Seigneur !
J'aurais des gardes très fidèles,
Qui répondraient de mes femelles.
(in V. Fournel, Les Contemporains de Molière, Paris, 1865, t. V, p. 265)

La jalousie des Turcs est un lieu commun qu'on trouvait déjà dans des recueils de plaisanterie :

Les Turcs jaloux de leurs femmes

S’il y a gens au monde soigneux de la pudicité de leurs femmes, ce sont les Turcs : pourtant les tiennent-ils si encloses, et tellement cachées en leurs maisons, qu’à peine le soleil les voit-il. Si la nécessité les tire en public, ils les envoient tellement couvertes, voilées et enveloppées, qu’on dirait à leur rencontre que ce sont fantômes, ou mascarades. Elles voient les hommes à travers un voile, ou resvel : mais nul homme ne voit aucune partie de leur corps. Car tous ont cette opinion, qu’un femme de beau visage, ou en fleur d’âge, ne peut être vue d’homme sans convoitise d’en jouir, par conséquent sans souillure de cœur, à raison de quoi ils les tiennent toutes cachées.
(Le Courrier facétieux, ou recueil des meilleures rencontres de ce temps, Lyon, Claude de la Rivière, 1650, p. 60)




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