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Si peu de prudence


"N'avez-vous point de honte, Messieurs, de montrer si peu de prudence, pour des gens de votre âge, et de vous être querellés comme de jeunes étourdis?"
L'Amour médecin, III, 1

Dans son "homélie académique" "De la prudence" (Discours ou Homélies académiques, 1666), La Mothe le Vayer souligne que la vertu de prudence peut s'entendre aussi, en mauvaise part, comme la qualité de finesse à laquelle prétendent les vicieux :

La méchanceté la plus fardée se remarque toujours, parce que Dieu permet qu'elle soit toujours aussi imprudente. Et que serait-ce de la vie humaine, si le Ciel n'en avait disposé de la sorte ? quelle vertu pourrait se garantir de l'oppression des vicieux, s'ils avaient pu conjoindre la prudence avec leur malice ? perierat innocentia, si nequitiae juncta esset prudentia. Cependant les natures les plus dépravées sont celles qui emploient le plus de finesse en ce qu'elles entreprennent, et qui prétendent que cette finesse doit passer pour une véritable prudence.
(éd. des Oeuvres de 1756, III, 2, p. 406)

La distinction avait été opérée auparavant par Gabriel Naudé qui, dans ses Considérations politiques sur les coups d'État (1639), vantait cette qualité après l'avoir définie :

Ce grand homme Juste Lipse, traitant en ses Politiques de la prudence, il la définit en peu de mots, un choix et triage des choses qui sont à fuir, ou à désirer, et après en avoir amplement discouru comme on la prend d'ordinaire dans les écoles, c'est à dire pour une vertu morale, qui n'a pour objet que la considération du bien ; il vient ensuite à parler d'une autre prudence, laquelle il appelle mêlée, parce qu'elle n'est pas si pure, si saine et entière que la précédente ; participant un peu des fraudes et des stratagèmes qui s'exercent ordinairement dans les cours des Princes, et au maniement des plus importantes affaires du gouvernement.
(p. 50-51)

Cette prudence politique est semblable au Protée, duquel il est impossible d’avoir une connaissance certaine, qu’après être descendus in secreta senis, et avoir contemplé d’un œil fixe et assuré, tous les divers mouvements, figures et métamorphoses, au moyen desquelles
Fit subito Sus horridus, atraque Tigris,
Squammosusque Draco, et fulva cervice Leana.
(éd. de 1667, p. 11)




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