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Ses regards et ses actions


"Nous n'avons eu ensemble aucune conversation, et sa bouche ne m'a point déclaré la passion qu'il a pour moi ; mais, dans tous les lieux où il m'a pu voir, ses regards et ses actions m'ont toujours parlé si tendrement, et la demande qu'il a fait faire de moi m'a paru d'un si honnête homme que mon coeur n'a pu s'empêcher d'être sensible à ses ardeurs [...]"
L'Amour médecin, I, 4

Le lieu commun galant du langage des yeux apparaît dans de nombreuses pièces de Molière (voir "ce que mes regards lui disent").

Dans l'histoire d'Olynthe, récit enchâssé du Palais d'Angélie de Sorel, l'héroïne apprend l'amour de Leonil grâce à une voisine, et identifie le jeune homme en se souvenant d'une scène où ils ont échangé des regards :

Olynthe lut cette lettre, Briseide lui demande si elle ne se souvenait point d'un gentilhomme qui avait demeuré en sa maison pendant le mois précédent. Oui, répondit Olynthe. Et bien ajouta Briseide, n'avez-vous point remarqué que trois jours avant qu'il sortît de céans un autre jeune gentilhomme qui l'était venu visiter, s'étant mis à la fenêtre lorsque vous étiez à la vôtre, se laissa tomber sur une chaire tout évanoui, après vous avoir longtemps regardée ? Je m'en souviens, répliqua Olynthe, je jugeai bien qu'il était affligé de quelque mal extraordinaire. Hé quoi, dit Briseide, ne connûtes-vous pas que votre beauté en était la seule cause ? Il n'avait point d'autre mal que celui que votre vue lui faisait souffrir : C'est lui qui m'a priée de vous faire voir cette lettre, laquelle vous recevrez s'il vous plaît, comme de la part du plus humble de vos serviteurs.

De même, le jeune homme provoque une rencontre par un jeu de regards, alors qu'il rend visite à Briséide :

Le lendemain la venant visiter encore, il [Leonil] vit Olynthe à sa fenêtre, à laquelle il fit savoir son tourment par mille amoureuses oeillades qu'elle reçut favorablement, les récompensant avec d'autres réciproques.

Plus loin, lorsqu'Olynthe se confie à sa servante pour demander son aide, celle-ci avoue qu'elle a remarqué l'attirance des jeunes gens à leurs regards :

Alcidée lui dit après, Qu’elle n’avait garde de manifester cela à personne, vu qu’auparavant qu’elle lui eût fait cette faveur que de lui confier ses secrets, laquelle l’obligeait encore davantage à s’en taire, elle n’en avait point parlé, bien qu’elle en eût une claire connaissance, que des grandes conjectures lui avaient donnée, qui étaient, que toutes les fois que Leonil passait par la rue, il ne se pouvait empêcher de lever les yeux vers les fenêtres pour voir Olynthe, qui s’y mettait quelquefois à dessein, et qu’un jour elle l’avait vu parler à elle chez Briseide.
(Le Palais d'Angélie, Paris, T. du Bray, 1622, p. 337-338)




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