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Se jeter bien à propos sur elle


« Va-t'en tenir la main au reste de l'ouvrage, préparer nos six hommes à se bien cacher dans leur barque derrière le rocher; à posément attendre le temps que la princesse Aristione vient tous les soirs se promener seule sur le rivage, à se jeter bien à propos sur elle, ainsi que des corsaires, et donner lieu au prince Iphicrate de lui apporter ce secours, qui sur les paroles du Ciel doit mettre entre ses mains la princesse Ériphile. Ce prince est averti par moi, et sur la foi de ma prédiction il doit se tenir dans ce petit bois qui borde le rivage. »
Les Amants magnifiques, IV, 3.

Le motif de la fausse attaque donnant lieu à un faux sauvetage avait été utilisé dans les tragi-comédies


(1)
TANCLADE.
Orphise tous les jours pour parler à Théage
Lui donne rendez-vous à ce petit bocage
Qu’il semble que la terre a produit ici près
Pour servir seulement à ces Amants discrets.
On les y voit souvent faire leur promenade
Et c’est là qu’il nous faut dresser une embuscade :
Sitôt que vous verrons cette belle arriver
Nous ferons dextrement semblant de l’enlever,
Et vous comme porté d’un destin favorable
Vous viendrez au secours de cette misérable
Où nous traitant d’ingrats, de tigres, d’inhumains
Vous la retirerez fièrement de nos mains
En cette émotion il vous sera facile
De la mener chez vous comme dans un asile
On ne saurait trouver de prétexte plus beau.

LIGDAMIS
Il me plaît d’autant plus qu’il est rare et nouveau.

TANCLADE.
Là vous consolerez cette belle affligée
Qui se croira sans doute à vous seul obligée,
Et récompensera d’un traitement plus doux
Le salut apparent qu’elle tiendra de vous.
(III, 2)

(2)

LE PRINCE.
Avant que d’exercer aucune violence,
Et malgré ses mépris en être possesseur,
Je cherche le moyen d’adoucir sa rigueur :
Felismant qui me plaint, et pour moi s’intéresse,
Me peut bien mieux servir auprès de la Duchesse,
Il a plus de crédit que tous ces Courtisans,
Je veux donc l’engager à force de présents,
Afin qu’il persuade à cette inexorable,
Qu’elle soit désormais à mes vœux favorable.

L’ARETIN.
Sur lui par vos présents vous ne gagnerez rien,
Il n’aime que l’honneur, et méprise le bien.

LE PRINCE.
Comment donc l’obliger à rendre un bon office ?

L’ARETIN.
Par un trait généreux, par quelque grand service,
Et j’en imagine un propre à votre désir.

LE PRINCE.
Allons hors de ces lieux y penser à loisir.
( III, 13)

Felismant sort l’épée tirée
LE PRINCE en mettant la sienne dans le fourreau.
Ils se sont retirés, ces lâches, ces perfides.

FELISMANT.
Sans vous ces inhumains étaient mes homicides,
Je succombais au nombre, et vous dois la clarté.

LE PRINCE.
Pouvais-je mieux montrer ma générosité ?

FELISMANT.
Elle est grande sans doute.

LE PRINCE.
Elle n’est pas petite,
De prolonger les jours d’un homme de mérite,
De tout ce que je puis tu peux bien faire état.

FELISMANT.
Ne permettez donc pas que j’en demeure ingrat,
Disposez de mon sang, disposez d’une vie,
Que vous m’avez sauvée, et qu’on m’aurait ravie.
(IV, 1)

ALCIDOR.
Le tour qu’on vous a fait passe la raillerie,
Ne connûtes-vous pas d’abord la fourberie ?

FELISMANT.
Non, car les assassins qui vinrent m’attaquer,
Etaient plusieurs bandits qu’on avait fait masquer,
Et qui s’étaient cachés dans le fond d’une allée,
La plus sombre du parc et la plus reculée :
Et mon Rival étant avec eux de concert,
Jamais de cette fourbe on eût rien découvert,
Si l’on n’en avait fait une recherche prompte.

ALCIDOR.
Ce Prince après cela devrait mourir de honte.

FELISMANT.
Ce perfide Rival n’est rien qu’un imposteur,
Qui veut passer pour brave, et pour libérateur.
(V, 1)




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