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Sans le secours d'Horace et d'Aristote


"Le même bon sens qui a fait autrefois ces observations les fait tous les jours sans le secours d'Horace et d'Aristote."
La Critique de L'Ecole des femmes, sc. VI

Dans deux publications récentes, Corneille avait invoqué l'autorité d'Horace et d'Aristote :

- dans le Discours de l'utilité et des parties du poème dramatique (1660) : Molière y avait déjà fait allusion dans la préface des Les Fâcheux ("Aristote et Horace")

- dans l'avis "Au lecteur" de Sophonisbe (1663) (1)

L'idée défendue ici par Dorante avait été énoncée dans La Précieuse (1656-1658) de l'abbé de Pure (2). Elle sera reprise dans La Critique de l'opéra (1675) de Charles Perrault (3).

A la scène précédente, Dorante, qui clamait : "je suis pour le bon sens", affirmait déjà que "la bonne façon d'en juger", en matière de théâtre, était de se laisser prendre aux choses.


(1)

Quoi qu'il en soit, comme je ne sais que les règles d'Aristote et d'Horace, et ne les sais pas même trop bien, je ne hasarde pas volontiers en dépit d'elles ces agréments surnaturels et miraculeux, qui défigurent quelquefois nos personnages autant qu'ils les embellissent [...].
(N.P. [p. 9])

(2)

Je crois qu'il faut rendre cette justice aux dames, que la plupart des savants contrarient de toutes leur force : c'est que lorsqu'elles rencontrent avec la pensée des Anciens, et lorsqu'elles ont eu un beau sentiment approuvé dans les siècles passés, dans la bouche des anciens auteurs et dans les ouvrages de l'Antiquité, elles ne méritent pas moins que si elles étaient les seules qui l'eussent dit ou écrit, et méritent du moins plus que ceux qui prétendent d'être loués quand ils ne font que le redire à propos. - Je suis bien de votre sentiment, ajouta Gélasire, et que vous me faites plaisir de fronder contre cette présomption des savants grecs ou latins qui bornent tout le mérite du savoir et de l'intelligence à ce qui a été traité en ces deux manières. Il semble, à les entendre parler, que l'esprit soit tellement attaché à ces deux idiomes, qu'il ne veuille souffrir d'expression en aucun autre idiome. [...] A vrai dire, un bon esprit, vif, et suffisamment appliqué aux grandes choses, dont le fonds est ferme, dont les rayons sont pénétrants, le raisonnement solide, ne ferait-il pas un plus grand progrès à méditer toujours, à réfléchir sur soi-même et tourner dans sa propre pensée ces beautés de l'intelligence humaine, qu'à ramper parmi les ordures de l'Ecole, les galimatias des pédants et les fadaises des faux savoirs ?
(éd. Magne, Paris, Droz, 1938, t. I, p. 169-171)

(3)

Ce que vous dites est très véritable, aussi conseillerais-je en ce qui regarde la poésie de s'en rapporter à ceux qui en ont fait une étude particulière, s'il était bien sûr qu'ils parlaient sincèrement. Mais ces maîtres de l'art font très rares et, à la réserve de quelques-uns qui sont fort habiles, et en qui j'aurais toute créance, je m'en fierais bien plus à un galant homme de bon sens qu'à un savant prétendu qui aurait beaucoup, mais mal étudié cette matière. Car, en fait de poésie, et de ce qui regarde la science du théâtre, il n'est rien de si aisé que de s'y tromper quand on veut y entendre trop de finesse, et de mal expliquer les préceptes d'Aristote et d'Horace, qui ne causent pas moins de désordre et de confusion dans une cervelle mal tournée, qu'ils apportent de lumière dans un esprit bien fait et né pour ces sortes de connaissances.
(Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, 1675, p. 309)




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