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Sage avec sobriété


"La parfaite raison fuit toute extrémité,
Et veut que l'on soit sage avec sobriété."
Le Misanthrope, I, 1, v. 149-152

Selon Saint-Paul :

Dico enim per gratiam, quae data est mihi, omnibus, qui sunt inter vos, non altius sapere quam oportet sapere, sed sapere ad sobrietatem [...].
(je vous exhorte donc vous tous, par la grâce qui m'a été donnée, de ne vous point élever au-delà de ce que devez dans les sentiments que vous avez de vous-même, mais de vous tenir dans les bornes de la modération).
(Epitre aux Romains, XII, 3 ; trad. Lemaître de Sacy, Le Nouveau Testament de Nostre Seigneur Jésus-Christ, 1667, t. 2, ’p. 50).

Dans son Opuscule ou Petit traité sur cette façon de parler "n'avoir pas le sens commun" (1646), La Mothe le Vayer recommande de :

prendre bien garde que nous ne fussions jamais séduits par les éléments d'une vaine et bouffissante philosophie ; au lieu de laquelle nous nous devions contenter d'un savoir accompagné de sobriété, qui est celui de l'epoche, [...] sapere ad sobrietatem , selon les termes de l'apôtre.
(p. 200)

Dans son "problème sceptique" XXV, à la question « Peut-on être trop prudent ? », il répond :

Oui : car nous apprenons de celui qui ne trompe personne [Saint Paul], qu’il ne faut être sage ou prudent, qu’avec sobriété et retenue, et par conséquent qu’on peut l’être trop en certaine façon .[…] La prudence veut elle-même, qu’on use d’elle fort sobrement, selon le mot de l’Apôtre, parce qu’elle court fortune de devenir blâmable et, s’il faut ainsi dire, imprudente, si on la pousse trop avant.
(Oeuvres, éd. de 1756, complètes, V, 2, p. 300-302)

Dans son dialogue "De la divinité" (Cinq dialogues faits à l'imitation des Anciens, s. d.), il associe ce passage à un autre de saint Paul, invitant à considérer "comme du fumier" les choses de la terre :

L'Apôtre n'a pu trop faire peur aux fidèles de la vanité des sciences, ni trop les éloigner de la sotte présomption de savoir. C'est pourquoi, les Romains étant de son temps ceux qui s'estimaient le plus pour ce regard, il leur donne ce charitable et salutaire avis :"Non plus sapere quam oportet sapere, sed sapere ad sobrietatem".
(éd. de 1716, p. 336)

Montaigne, dans ses Essais, formulait le même principe :

On peut et trop aimer la vertu et se porter immodérément en une action juste et vertueuse. A ce biais se peut accommoder la parole divine : ne soyez pas plus sage qu'il ne faut, mais soyez sobrement sage.
(I, 29, p. 294-295)




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