Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Rubans


"Venir en visite amoureuse avec [...] un habit qui souffre une indigence de rubans! "
Les Précieuses ridicules, sc. IV.

"M'obliger à porter de ces petits chapeaux [...]
De ces souliers mignons, de rubans revêtus,
Qui vous font ressembler à des pigeons pattus? ".
L'Ecole des maris, I, 1 (v. 23-28)

"Sont-ce ses grands canons, qui vous le font aimer?
L'amas de ses rubans a-t-il su vous charmer ?"
Le Misanthrope, II, 1, v. 483-484

"Je voudrais bien savoir, sans parler du reste, à quoi servent tous ces rubans dont vous voilà lardé depuis les pieds jusqu'à la tête;"
L'Avare, I, 4

" Ils avont itou d'autres petits rabats au bout des bras, et de grands entonnois de passement aux jambes, et parmi tout ça tant de rubans tant de rubans, que c'est une vraie piquié. "
Don Juan ou le Festin de pierre, II, 1

La mode des rubans aux alentours de 1660 est attestée dans les Mémoires de Michel de Marolles (1656-1657) :

[...] Il est vrai que les Français, c'est-à-dire les jeunes gens de la Cour et des grandes villes [...] portent aujourd'hui des trois cents aulnes de ruban de diverses couleurs sur les chausses, ils en portent autour de leur chapeau, et ils en parent leur chevaux et les rideaux de leurs carrosses. Ces rubans s'appellent galants, et les femmes trouvent cela beau.
(Michel de Marolles, Mémoires, t. II, Paris, A. de Sommaville, 1656-1657, p. 33.)

ainsi que dans le Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps (recueil Sercy) de 1660 :

L’origine et le progrès des rubans ; leur défaite par les princesses jarretières, et leur rétablissement ensuite.

Un certain petit peuple, originaire de la rue Saint-Denis, et des environs, appelé vulgairement Rubans, mais dont le nom se trouve à peine dans les cartes géographiques, ne pouvant se contenir dans les bornes de son pays, eut un jour dessein d’étendre plus loin ses conquêtes et sa réputation […]. Premièrement il fit la guerre aux Epingles […]. Ils les chassèrent ainsi, sans coup férir, de quelques régions considérables, comme de celles des Manchettes et des Poignets, et même de plusieurs Collets et Chemises. Ils y furent reçus facilement, à cause qu’on trouva leur service et leur société plus commode et moins nuisible, que ces Epingles malicieuses […]. Ils avaient obtenu des lettres de faveur de la part de la mode, impératrice souveraine du monde poli et civilisé, laquelle ordonnait à tous ses sujets de placer ces aventuriers en tous les lieux qu’ils pourraient occuper, les assurant qu’ils demeureraient avec bienséance. Lorsqu’ils se virent installés en quelques contrées, ils aspirèrent à d’autres […]. Ils s’avisèrent de s’armer de pointes aussi bien que les épingles, pour se rendre plus recommandables, et de devenir Eguillettes. […] Un insatiable désir de paraître leur fit souhaiter en même temps de se loger en bas des Chausses […] Ils y eurent tant de crédit, qu’ils se mettaient quelquefois à triple rang […]. Le nom de Rubans avait quelque rudesse ; ils prirent celui de Galants […]. Ces Galants continuant leurs progrès chez les hommes, se rangèrent par escadrons aux deux côtés de leurs chausses, et à chaque mois ou saison, ils y augmentaient leur nombre, de telle sorte que les habits en allaient être tout couverts. […] Cependant les Princesses jarretières […] remontrèrent [au Grand Monarque des Gaules], que ces superbes tyrans allaient provoquer la ruine de tous ses sujets, les consommant par leur folle dépense […]. Ce roi juste […] par une généreuse résolution, ayant fait expédier des lettres patentes, pour la déclaration de la guerre contre les rubans et leur milice auxiliaire, et ayant fait sonner hautement la trompette en plusieurs carrefours, […] fit publier Que tous les Rubans, en quelque endroit qu’ils se trouvassent, eussent à sortir dans huitaine de son royaume, avec défenses expresses à tous ses sujets de les retenir chez eux, leur donner subsistance, et les favoriser en aucune manière. […] On vit partout des troupes de tailleurs, de valets de chambre, et même des servantes, qui avec couteaux, ciseaux, et canifs, commencèrent à exterminer les pauvres Rubans […]. Toutefois quelques Rubans de soie eurent après l’audace de se loger en divers lieux […] comme si le nom d’Eguillette les eût rendus privilégiés […]. La complaisance fut telle alors de la part des courtisans, et autres gens qui suivent les modes, qu’ils résolurent de rendre aux Rubans leur ancien pouvoir, et de les remettre en leurs premières places. Au commencement, les Rubans se logèrent seulement en quelque quantité au devant des chausses ; mais voyant qu’on le souffrait, ils se mirent tout autour de la ceinture […]. Quelques uns se tenant en longueur sans être cousus, s’allèrent mettre autour de la jambe, où ils furent arrêtés par un simple nœud : en cet état ils servaient autant que des jarretières, et ils en prirent même le nom, afin que ceux qui les aimaient les souffrissent au lieu d’elles, étant abusés de ce titre […]. Ainsi leur empire devint absolu, et le pouvoir qu’ils lui ont acquis dure encore aujourd’hui avec pompe et magnificence […].
(p. 28-43)

Dans L'Ecole des maris, Sganarelle appelle ces excès de la mode "les sottises qu'on porte".




Sommaire | Index | Accès rédacteurs