Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Roué tout vif


"Quatre bonnes murailles me répondront de ta conduite; et une bonne potence me fera raison de ton audace. [...] Je me suis abusé de dire une potence; et tu seras roué tout vif."
L'Avare, V, 4

Le supplice de la roue est décrit dans les notes de voyage du prêtre bolonais Sébastiano Locatelli, présent à Paris en 1664 et 1665 :

Supplice de la roue. Les gens qui tuent en trahison, les coupe-jarrets qui assassinent pour de l’argent, les meurtriers de grand chemin qui ont pris la bourse et la vie, et les autres criminels du même genre y sont condamnés. Voici en quoi consiste ce supplice, que subit en ma présence, le 3 décembre 1664, Jean Soldano, de Bergame, pour avoir tué et assassiné son maître, à une demi-journée de Paris, en allant à sa maison de campagne. À trois heures, je me rendis au faubourg Saint-Honoré, sur la petite place où ont lieu habituellement les exécutions dans ce quartier (il y a ailleurs trois places où l’on exécute aussi). Là se trouvait préparé l’échafaud, sur lequel était une grande roue ferrée. Le pauvre patient, vêtu seulement d’un caleçon, y étant arrivé, on le lia par les pieds et les mains à quatre chevilles de fer, comme l’apôtre saint André sur la croix. Puis le bourreau, levant cette roue pesante verticalement, la laissa retomber deux fois pour briser le bras droit à deux places ; il brisa de la même manière l’autre bras, puis les cuisses et les jambes. Cela fit huit coups en tout. Quand le roi accorde cette grâce, on donne au patient, sur le creux de l’estomac, un coup de plus qui le fait mourir en moins d’une heure. Mais le malheureux Soldano n’eut pas cette faveur-là. On le retourna ensuite ; on plaça sur son derrière la roue à plat, et, repliant sur la roue ses bras et ses jambes brisés, on les lia ensemble ; puis on retourna la roue, et on le laissa ainsi vivant regarder le ciel, jusqu’à ce qu’il expirât dans les tortures. Jamais le coupable moribond n’est abandonné par les Pères Jésuites qui assistent les condamnés. Quelques patients, me dit-on, vécurent trois jours dans cet état. Je restai si bouleversé et le cœur si rempli de compassion, que l’envie d’assister à de pareils spectacles ne me revint jamais. Elle me revint d’autant moins que cette populace sans cœur et sans pitié accompagnait d’injures les coups du bourreau, et l’excitait à les redoubler, peine bien cruelle pour le pauvre justicier.
( Voyage de France, moeurs et coutumes françaises (1664-1665), relation de Sébastien Locatelli, traduite sur les manuscrits autographes et publiée, avec une introduction et des notes, par Adolphe Vautier , 1905, p. 148-149)




Sommaire | Index | Accès rédacteurs