Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Robinet, Lettre en vers à Madame du 9 mars 1669


MONSIEUR LE DUC, le Samedi,
Non pas, ce fut le Vendredi,
Satisfit à cette coutume
En faisant voir, en grand volume,
Qu’il est magnifique et galant,
Autant que Brave et que Vaillant.
Toutes les Loges de la Salle
Où MOLIÈRE Tartuffe étale
Avaient, comme en un tournemain,
Ou bien du soir au lendemain,
Été mignardement parées
Et de tous côté décorées
De Pilastres et de Festons,
Revenant à bien des Testons,
Ainsi que tout l’Amphithéâtre,
Et le Parterre et le Théâtre.
Des Lustres, je ne sais combien,
Produisaient là, foi de Chrétien,
Ou d’Historien véridique
(Foi dont ici plus je me pique),
Un jour aussi brillant et beau
Que cil du Solaire Flambeau.

La gaie TROUPE AUSONIENNE,
Alias Troupe Italienne,
Qui le Risible a pour Objet
Et triomphe sur ce Sujet,
Fit de la Fête l’Ouverture
Par un Ambigu, je vous jure,
Qui fut des plus facétieux,
Étant, pour nous expliquer mieux,
L’amas des Scènes plus plaisantes
De leurs Pièces divertissantes,
Où TRIVELIN et ARLEQUIN
Feraient rire le plus Taquin,
Car un Taquin, à le bien dire,
Est Taquin même jusqu’à rire,
Et, bref, étant des moins riants,
Ne rit rien que du bout des Dents.

Après ladite Comédie,
Afin qu’en ordre tout se die,
La DÉESSE COLLATION
Vint faire illec sa Fonction,
Avec maintes riches Corbeilles,
Qu’environnaient les nompareilles,
Et très grand nombre de Bassins,
Beaucoup plus vastes que succincts,
Le tout rempli de ces Pâtures
Qu’aiment les chastes Créatures,
Avecque toutes les Liqueurs
Qui cadrent mieux à ces douceurs,
Et dont volontiers nos Femelles
Vont humectant leurs Gargamelles,
Ce Sexe, né pour les Bonbons,
Ayant des Appétits gloutons
Pour les coulantes et liquides.

MONSIEUR et MADAME étant là,
La Collation présenta
Les Prémisses de ses Régales
À ces deux ALTESSES ROYALES,
Et puis, de l’un à l’autre bout,
Elle fit la ronde partout,
Et rendit, en un mot, comblée
De ses Biens toute l’Assemblée,
Que force Masques composaient,
Dont les uns plus ou moins brillaient.
Comme l’on dit qu’après la Panse
Succède Madame la Danse,
Ainsi donc, après ce Régal,
On eut d’importance le Bal,
Et par là finit cette Fête
Dont je me suis mis à la tête
De vous donner le Supplément,
N’ayant pas su dernièrement
Tout ce grand Détail vous en mettre
Dans ma Missive, Épître ou Lettre.




Sommaire | Index | Accès rédacteurs