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Robinet, Lettre en vers à Madame du 9 janvier 1667


Mais, pour revenir au BALLET,
Le Tour galant assez me plaît
De notre nouvelle HÉROÏNE,
Qui, survenant à la sourdine,
Comme on dansait ledit Ballet,
Fit défiler le Chapelet
Et cesser toutes les Entrées
Qu’on avait si bien préparées,
Afin qu’on l’allât recevoir
Ainsi qu’il était du devoir.
C’est ce qu’on fit aussi, je pense,
Avec beaucoup de diligence
Et non moins d’exultation.
Mais, pour en faire mention
Dans un style plus historique,
Au Lecteur ainsi je m’explique.

DIMANCHE, second jour de l’AN,
Après quelque amoureux Élan,
C’est-à-dire douce Tranchée,
La REINE se vit accouchée
Presque dedans un tourne-main
Et par un très heureux Destin,
D’une gracieuse PRINCESSE, [Marie Thérèse de France.]
Qui remplit la COUR de liesse.

Il faisait, certes, beau la voir ;
Et, comme Elle naquit le soir,
On eût dit, aux douces lumières
Que poussaient ses tendres paupières
Et mêmes à son air riant,
Que c’était un ASTRE ORIENT
Qui venait, dans la Nuit obscure,
Rendre le Jour à la NATURE.

C’était une GRÂCE du moins
(Au rapport de plusieurs Témoins)
Qui découvraient, dès sa Naissance,
Qu’Elle établirait sa Puissance
Dessus les plus Illustres Cœurs
Par ses Charmes déjà vainqueurs ;
Si bien que la divine REINE
Ne pouvait faire aucune Étrenne
Plus agréable à notre ROI
(Et l’on en peut jurer sa foi)
Que d’une si charmante Fille,
Où déjà tant de beauté brille,
Après avoir ses Vœux remplis
Par le plus beau de tous les FILS.
Or, toutes choses préparées,
Comme on commençait les Entrées
Du BALLET des SŒURS d’APOLLON,
Où l’on voit maint beau Violon,
La BELLE rompit la Partie
Et voulut faire sa Sortie
Tellement que son cher PAPA,
L’ayant appris, laissa tout là
Et courut avec allégresse
Pour lui témoigner sa tendresse,
Dont, par de beaux petits OUAIS,
Sans se mettre autrement en frais,
Elle rendit grâce au grand SIRE,
Et c’est tout ce que j’en puis dire.

Sans attendre le lendemain,
On en fit par tout SAINT GERMAIN,
Dès le soir, de beaux Feux de Joie,
Dont beaucoup de bois fut la proie,
Et des mieux aussi l’on sonna,
Ou plutôt l’on carillonna.

Le jour d’après, PRINCES, PRINCESSES,
Grandes et petites Altesses,
Et tous les Gens de qualité
À la suprême MAJESTÉ,
Ayant bien affilé leurs langues,
Sur ce point firent des Harangues.

Divers AMBASSADEURS depuis,
Comme en leur Devoir bien instruits,
Ont été sur le pareil Thème
Complimenter le ROI de même.

Nos MAGISTRATS ont pris aussi,
À l’envi, semblable souci,
Et dans notre PARIS, si nette,
Avecque grand bruit d’Escopette
Et Tintamare de Canon,
Qui parle un peu d’un plus haut ton.
Bref, par des Feux et des Lanternes,
Tant suprêmes que subalternes,
On a fait la solennité
De l’illustre Nativité,
Laquelle s’en va, d’assurance,
Mettre partout en Feu la FRANCE.

[...]

Mercredi, le cas est certain,
Le Ballet fut des mieux son Train,
Mélangé d’une PASTORALE
Qu’on dit tout à fait joviale
Et par MOLIÈRE faite exprès,
Avecque beaucoup de progrès.

Étant allé voir, ce jour même,
Noter GRAND PORTE-DIADÈME,
Je fus vraiment sollicité
Par une obligeante BEAUTÉ
De demeurer à ce Spectacle ;
Mais, par un malheureux Obstacle,
Ayant des Affaires Ici,
Il m’en fallut sevrer ainsi.
Mais j’appris de la même Belle,
Comme un Ange spirituelle [sic.],
Que l’excellente d’EUDICOURT,
L’un des beaux Astres de la Cour,
Dedans ce Ballet escarpine [sic.]
D’une manière très poupine.

(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome II (années 1666-67) de l'édition du Bon Nathan-James-Edouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs).




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