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Robinet, Lettre en vers à Madame du 9 février 1669


À propos de Surprise, Ici,
La mienne fut très grande aussi
Quand, Mardi, je sus qu’en Lumière
Le beau TARTUFFE de MOLIÈRE [MD : autrement L’Imposteur.]
Allait paraître, et qu’en effet,
Selon mon très ardent souhait,
Je le vis, non sans quelque peine,
Ce même jour là, sur la Scène,
Car je vous jure, en vérité,
Qu’alors la Curiosité,
Abhorrant, comme la Nature,
Le Vide, en cette Conjoncture,
Elle n’en laissa nulle part,
Et que maints coururent le hasard
D’être étouffés dedans la presse,
Où l’on oyait crier sans cesse :
« Je suffoque, je n’en puis plus !
» Hélas ! Monsieur Tartufius,
» Faut-il que de vous voir l’envie
» Me coûte peut-être la vie ? »

Nul néanmoins n’y suffoqua,
Et seulement on disloqua
À quelques-uns Manteaux et Côte.
À cela près, qui fut leur faute,
Car à la presse vont les Fous.
On vit, en riant à tous coups,
Ce Tartuffe, ou cet Hypocrite,
Lequel, faisant la chattemite,
Sous un Masque de Piété
Déguise sa malignité,
Et trompe ainsi, séduit, abuse,
La Simple, la Dupe et la Buse.
Ce MOLIÈRE, par son Pinceau,
En a fait le Parlant Tableau,
Avec tant d’art, tant de justesse
Et, bref, tant de délicatesse,
Qu’il charme tous les vrais Dévots,
Comme il fait enrager les Faux ;
Et les Caractères, au reste,
C’est une chose manifeste,
Sont tous si bien distribués
Et naturellement joués,
Que jamais nulle Comédie
Ne fut aussi tant applaudie.




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