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Robinet, Lettre en vers à Madame du 7 décembre 1669


SOLIMAN MUSTA-FÉRAGA,
Que l’on surnomme encor AGA,
Ministre ENVOYÉ de la PORTE,
Avec sa Domestique Escorte,
Fit son Entrée ici Mardi,
À trois heures après-midi,
Sans avoir nuls de ces Gens sages
Qu’on appelle Estafiers et Pages.

Il montait lors, en noble arroi,
Les grands Chevaux de notre ROI,
Avecque tous ceux de sa Suite,
Où l’on voit peu de gens d’élite,
Mais tous semblant de fins Narquois,
Dont les uns portaient des Carquois,
Avec des Arcs, avec des Flèches,
Dont ils ne firent nulles brêches
Aux cœurs de nos jeunes Beautés,
Qui les nommaient vilains bottés.

Le brave de LAGEBERTIE, [L’un des Gentilshommes ordinaires]
Ayant mainte belle partie, [de la Maison du Roi.]
Et qui partout à convoyé,
Ledit Soliman, Envoyé
Par l’ordre de notre MONARQUE,
Qui son estime ainsi lui marque,
L’accompagnait encor alors,
Avec quelques autres Consorts.

MERCREDI, le sieur de BERLISE,
Par qui faut que l’on s’introduise,
Le conduisit à SAINT GERMAIN,
Jusqu’au Trône du SOUVERAIN,
Dressé dans une Galerie
Éclatante d’Orfèvrerie,
Et dont les divers Ornements
Paraissaient des Enchantements.

Ce Trône, dans sa pompe extrême,
Semblait celui de Jupin même,
Et notre AUGUSTE, illec placé,
L’aurait, que je pense, effacé,
Tant par sa grande et haute mine,
Bien moins humaine que divine,
Que par l’éclat des Diamants
Semés dessus ses vêtements
D’une si féconde manière,
Qu’il était couvert de lumière.

À sa droite, on voyait MONSIEUR,
Dont le brillant extérieur
Était aussi, sans menterie,
Tout composé de Pierrerie,
Et, de l’un et l’autre côté,
À l’entour de Sa MAJESTÉ,
Fourmillait la Cour toute entière
En sa lestitude plénière,
Ayant quitté le sombre atour
Pour la Pompe de ce beau Jour.

L’ENVOYÉ donna mainte marque,
En approchant de ce MONARQUE,
Qu’il passait du moins à ses yeux
Pour le plus Grand des Demi-Dieux,
Et, faisant mainte Révérence,
Fut conduit à son Audience.

En icelle, il a présenté
Une Lettre à Sa MAJESTÉ,
Au nom du GRAND SEIGNEUR, son Maître,
Dont la teneur a fait connaître
Que Sa HAUTESSE qui l’entend,
Veut, avec un HÉROS si Grand,
Rafraîchir la vieille Alliance
Et vivre en bonne intelligence,
Ce qui n’est point mal avisé
Par ce GRAND SEIGNEUR, franc rusé.

(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome III (années 1668-69) de l'édition du Bon Nathan-James-Edouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs).




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