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Robinet, Lettre en vers à Madame du 20 septembre 1665
- DIMANCHE, où le CIEL tout exprès
- Se para de tous ses Attraits
- Pour plaire à notre auguste SIRE,
- Qui semble partager l’Empire
- Avec son JUPIN foudroyant,
- Ce jour-là, dis-je, si riant,
- Notre COUR COURUT à VERSAILLES
- Pour y rire et faire gogailles.
- Rien ne peut être plus pompeux
- Que fut son départ de ces Lieux,
- Rien de plus galant, de plus leste,
- Et je vous jure et vous proteste
- Que du grand JUPIN ci-dessus
- Jamais la COUR n’éclata plus,
- Allant avec magnificence
- En quelque Palais de Plaisance.
- Ce DIEU, je pense, et sa JUNON,
- Puissent-ils s’en fâcher ou non,
- Sur ce Char que des Paons superbes
- Traînent là-haut, bien loin des herbes,
- N’ont pas sans doute plus d’éclat
- Que notre rare POTENTAT
- Et son ÉPOUSE, qui fait honte
- À la DÉESSE d’AMATHONTE.
- Pour les autres DIVINITÉS
- Qui sont à leurs sacrés côtés
- Elles sont de la basse Game
- Près de MONSIEUR et de MADAME.
- Ô qu’ils étaient brillants tous deux
- Et dignes d’encens et de vœux,
- Sortant de leur belle DEMEURE !
- On aurait dit, ou que je meure,
- Si ce n’eût été vers le soir,
- Que cette PRINCESSE, à la voir
- Comme je crois la voir encore,
- Était en Personne l’AURORE,
- Et MONSIEUR cet heureux CHASSEUR
- Qui de la Déesse a le Cœur.
- MADEMOISELLE, toujours grande
- Et toujours bien digne d’Offrande,
- Et sa CADETTE d’ALENÇON,
- Aimable en plus d’une façon,
- Étaient aussi de la Partie,
- Ainsi de tout point assortie,
- Avec les BELLES DE LA COUR,
- Chacune sous un riche Atour,
- En Chaise roulant ou Calèche.
- Mais quoi ! le PETIT PORTE-FLÈCHE
- De la Troupe n’était-il pas,
- Avec les GRÂCES, les APPAS,
- Et toute la folâtre BANDE
- Des JEUX, des RIS ? belle Demande.
- On l’y vit, et jamais si beau
- Ne parut ce PORTE-FLAMBEAU.
- Vous l’auriez pris sans nulle peine,
- Pour le propre FILS de la REINE,
- Et de vrai, Lecteur, c’était LUI,
- Plus beau que l’AMOUR aujourd’hui.
- Les COLLATIONS figurées,
- Et c’est-à-dire préparées
- Avec un Art ingénieux
- Comme pour la Bouche des Dieux,
- Les Festins de Jour et Nocturnes,
- Où l’on ne voyait nuls Saturnes,
- Les charmants et friands Desserts,
- La Promenade et les Concerts
- Furent du CADEAU de Versailles,
- Où les Ortolans et les Cailles,
- En Pyramides arrangés,
- Entre autres Mets furent mangés.
- On n’oublia pas là la Chasse,
- Et faut que mention je fasse
- Qu’en ce charmant Plaisir de Roi
- Chacun parut en noble arroi ;
- La divine REINE et MADAME,
- Plus brillantes qu’une Oriflamme,
- Y semblaient, sur Chevaux de Prix,
- Comme d’illustres TALESTRIS,
- Ayant, entre autres AMAZONES,
- Ces Deux qui descendent des TRÔNES [Mademoiselle, et Mademoiselle d’Alençon.]
- Et qui sortent du même Sang,
- Qui près d’Elles leur donne Rang.
- Les FILLES D’HONNEUR, si charmantes, [De la Reine et de Madame.]
- Si pimpantes, si triomphantes,
- Et de tant de Cœurs le Souci,
- Étaient Amazones aussi.
- Là, maint Cerf nonobstant ses Cornes,
- Vit à ses jours donner des bornes,
- Mais par des coups si pleins d’appas
- Qu’il en pleura moins son Trépas.
- Achevons. Pour la Fête entière,
- L’admirable et plaisant MOLIÈRE,
- Le MOME des Terrestres DIEUX,
- Comme l’autre est MOLIÈRE aux CIEUX,
- Illec, avec sa COMPAGNIE,
- Fit admirer son gai Génie.
- Son Jeu fut mêlé d’un Ballet, [L’Amour médecin.]
- Qui fut trouvé drôle et follet,
- Et des Voix pleines de merveilles [Mademoiselle Hilaire.]
- Ravirent toutes les Oreilles.
(Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome IV (années 1663-65) de l'édition de Ch.-L. Livet de 1878, Paris, Daffis éditeur).
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