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Robinet, Lettre en vers à Madame du 14 janvier 1668
- Chose promise est chose due,
- PRINCESSE en tout si bien pourvue,
- Et je débute en cet Écrit
- Par le juste et charmant Récit
- Des Fêtes et Galanteries
- Qui se firent aux Tuileries
- Le Jour que l’on consacre aux Rois,
- Car je le promis l’autre fois.
- Le cher MOLIÈRE, avec sa Troupe,
- Qui mène pleine Joie en croupe,
- Commença ces Ébats des mieux,
- Jouant, d’un air un peu sérieux,
- Son MÉDECIN bâti par force,
- Qui donne la dernière entorse,
- Même aux soucis les plus cuisants,
- Par mille Rebus fort plaisants
- Et des Traits de fine Satire,
- Qui, ma foi, feraient aussi rire,
- Le Corps Hippocratique entier
- De se voir là si bien jouer.
- Ensuite de ce gai Prélude,
- LULLY, qui met tout son étude
- À charmer notre puissant ROI,
- Qui l’en paie aussi bien, je crois,
- Fit, en faveur de ses Oreilles,
- Son Concert rempli de merveilles,
- Qu’a tant de fois ouï la COUR
- Dans les Grottes du beau Séjour
- Nommé le Château de Versaille[s],
- Où quelques fois j’ai fait ripaille.
- À la fin de ce grand Concert,
- Lequel après ample Dessert
- Eût encor mieux valu, sans doute,
- L’Intestin, pour lors à l’écoute,
- En attendant qu’il fût minuit,
- Eut, à son tour, son cher Déduit,
- A de vrai Tables de Luculle,
- Ou que je brûle comme Hercule ;
- Car on ne vit au grand jamais
- Si belle quantité de Mets,
- Beaucoup plus friands que solides,
- Servis par hautes Pyramides,
- Ni tant de Vins et de Liqueurs,
- Qui de plaisirs comblent les cœurs,
- Ni même tant de Politesse,
- Ni de Pompe, ni de Richesse,
- Car ce Convive si charmant
- Se faisait dans l’Appartement
- De notre PORTE-DIADÈME,
- Plus brillant que l’Olympe même.
- Au reste, outre ces deux Beautés,
- Qui semblent deux Divinités,
- À savoir la REINE et MADAME,
- Si parfaites de Corps et d’Âme,
- Plusieurs autres mignons Objets
- Firent agir leurs rouges Becs,
- De la belle et bonne manière,
- Dedans cette Chère plénière ;
- Puis chacun fut chercher son Lit,
- Et par là finit mon Récit.
- Le lendemain, les Allégresses
- Passèrent chez les deux ALTESSES
- Qui font un Couple si charmant
- Et sont de ma Clion l’Aimant.
- L’Assemblée y fut très nombreuse,
- Et, bien loin d’être ténébreuse,
- Rien ne peut être sous les Cieux
- Plus brillant et plus radieux.
- Outre les Miroirs et les Lustres,
- Et l’Argent poli des Balustres
- Qui des Flambeaux, en quantité,
- Redoublaient partout la clarté ;
- Outre, dis-je, la Pierrerie,
- Qui semblait en Astres fleurie
- Dessus l’Étoffe des Habits,
- Dont pas un n’était de Tabis,
- Grand nombre de jeunes Aurores
- Et de fraîches et lestes Flores
- Y semaient mille et mille Feux
- De la Sphère de leurs beaux Yeux,
- Sans compter ceux de la DÉESSE
- Pour qui je fais rouler la Presse,
- Lesquels, comme les nonpareils,
- Semblaient là deux petits Soleils,
- Dont les Clartés supérieures,
- Régentaient avecque raison
- Sur cette lucide Horizon.
- Or, illec, l’un et l’autre Sexe,
- Dont le Féminin l’autre vexe,
- Des mieux, dit-on, escarpina [sic.]
- Et même collationna
- De rares Fruits et Confitures,
- Et d’autres exquises Pâtures,
- De manière que ce Bal-là
- A miracle, sans doute alla.
- Deux jours devant, en ce Lieu même,
- Où jamais presque on ne se chême,
- Car tout y plaît et tout y rit,
- Un rare Concert on ouït
- De Clavecin, Théorbe et Viole,
- Que jusques au Ciel on extole [sic.].
- Les Amphions qui les touchaient
- Aussi de grands Maîtres étaient ;
- C’est MÉLITON, GARNIER, le MOINE
- Et RICHARD, Personnage idoine
- À toucher l’Orgue, de façon
- Que de Lui chacun prend leçon,
- Et qu’il n’est Luth, Mandore, ou Lyre,
- Sans flatterie on le peut dire,
- Qui fasse de plus doux Accords
- Qu’en fait, sous ses Doigts, ce grand corps ;
- D’où vient qu’en l’Église Saint Jacques,
- Sans attendre Noël ni Pâques,
- Il se fait quasi tous les jours,
- Pour l’ouïr, un fameux Concours,
- Des plus Grands même, en Conscience :
- Témoin m’est PHILIPPE DE FRANCE
- Et sa digne HENRIETTE aussi,
- Qui, pleins pour lui d’un beau souci,
- Ont été prêter leurs Oreilles
- À ses merveilles sans pareilles.
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