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Robinet, Lettre en vers à Madame du 12 octobre 1669
- Mais parlons un peu de CHAMBORD,
- Dont je devais jaser d’abord,
- Car, sans doute, de mon Épître,
- C’est le grand et royal Chapitre.
- Ailleurs, j’ai marqué que le Jeu,
- L’Escarpoulette, Queue-Leu-leu,
- La Chasse, Chère, et Mélodie,
- Et, tous les Soirs, la Comédie,
- Sont le Plaisir Quotidien [MG : Par la Troupe du Roi.]
- De la COUR, où ne manque rien.
- Or, du mois courant le sixième,
- Pour empêcher qu’on ne s’y chême,
- Elle eut un Régale [sic] nouveau,
- Également galant et beau,
- Et même aussi fort magnifique,
- De Comédie et de Musique,
- Avec Entractes de Ballet,
- D’un genre gaillard et follet,
- Le tout venant, non de Copiste,
- Mais, vraiment, du Seigneur BAPTISTE
- Et du Sieur MOLIÈRE, Intendants,
- Malgré tous autres Prétendants,
- Des Spectacles de notre SIRE,
- Et, disant cela, c’est tout dire.
- Les Actrices et les Acteurs
- Ravirent leurs grands Spectateurs,
- Et cette merveilleuse Troupe
- N’eut jamais tant de Vent en poupe.
- On n’admira [sic] les Baladins,
- Plus souples que Cerfs ni que Daims ;
- On fut charmé des Dialogues,
- Où, comme dedans les Églogues,
- On s’entendait sur les douceurs
- Que produit le beau Dieu des Cœurs :
- Concluons que, sans lui, la Vie
- N’est pas un Bien digne d’envie.
- On fut ravi des belles Voix
- Qui chantaient ses divines Loix. [MD : Mlle Hilaire, les Srs Gayes et Langes.]
- Force Masques, non pas célestes,
- Mais, à ce qu’on écrit, très lestes,
- Venant illec montrer leur nez,
- Avec plaisir furent lorgnés.
- Des Avocats y faisaient rire
- Plus cent fois qu’on ne saurait dire,
- Citant, de plaisante façon,
- Et mêmes dans une Chanson,
- Tous leurs Docteurs, vieux et modernes,
- En les traitant de Gens à Bernes,
- Par exemple, Justinian,
- Ulpian et Tribonian,
- Fernand, Rebufe, Jean, Imole,
- Paul, Castic, Julian, Barthole,
- Jason, Alciat et Cujas,
- Et d’autres qui font un gros tas.
- Enfin, maints autres Personnages
- Firent là rire les plus sages,
- Tout de même que les plus Fous,
- Et leur Sagesse eut du dessous.
- Un petit Livre dont je tire
- Tout ce qu’ici je viens d’écrire
- Se tait des Décorations
- Dans ses belles Narrations ;
- Mais, aux Fêtes du grand MONARQUE,
- Pour l’ordinaire l’on remarque
- Que ce sont des Enchantements,
- Et non de communs Ornements.
- Il passe encore sous silence
- Ce qui n’est pas moins de l’essence,
- À savoir la Collation ;
- Mais, sans faire une Fiction,
- Je soutiens qu’elle y fut servie,
- Et, quoi que je ne sache mie
- Le détail de ce beau Festin,
- Je ne dirai rien d’incertain
- En disant qu’il fut magnifique,
- Ou même qu’il fut déifique,
- Puisque notre HÉROS complet,
- Lorsqu’il se mêle d’un Banquet,
- Le fait, c’est une chose claire,
- Comme les Dieux le pourraient faire.
- Au reste, toutes les Beautés,
- Ces Terrestres Divinités,
- Qui sont comme l’Âme et le lustre
- De notre COUR, la plus illustre
- Qui soit sous le Lambris des Cieux,
- Parurent là tout de leur mieux,
- En Amazones accoutrées,
- Mais dix mille fois plus parées,
- Environnant leur TALESTRIS,
- Qui surpasse en grâce Cypris,
- L’auguste THÉRÈSE d’ESPAGNE,
- De LOUIS la digne COMPAGNE.
- PRINCESSE, qui, depuis trois jours,
- Avec les Ris et les Amours
- Qui vous accompagnent sans cesse,
- Faites revoir Ici votre ROYALE ALTESSE,
- Ces Vers, moins gais que sérieux,
- S’y présentent à vos beaux yeux.
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