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Robinet, Lettre en vers à Madame du 12 décembre 1666


Charles Robinet, Lettre en vers à Madame, 12 décembre 1666, p. 00-00.


Ce Ballet, fait avec Dépense
Digne d’un MONARQUE de FRANCE,
Est le Ballet des neufs BEAUTÉS
Ou savantes DIVINITÉS
De qui tout POÈTE au PARNASSE
Pour rimer implore la grâce.

C’est qu’on feint agréablement,
Autant comme équitablement,
Que leur noble TROUPE, charmée,
De la brillante Renommée
De l’incomparable LOUIS
Et de tous ses FAITS inouïs,
Quitte leur MONTAGNE cornue,
Proche voisine de la Nue,
Afin d’établir leur Séjour
En son aimable et belle COUR.

La DÉESSE de la MÉMOIRE, [Mnémosine.]
Qui de l’OUBLI sauve la Gloire
Et le Nom des fameux HÉROS,
Pour chanter du NÔTRE le LOS [sic],
Ouvre la SCÈNE, des plus belles,
Par un Dialogue avec Elles ;

Mademoiselle Hilaire représente la Mémoire, et le sieur le Gros et huit pages représentent les Muses.

Toutes s’expliquant par des VOIX
Qui charment ce plus grand des ROIS.

Les ARTS, qui sous lui rajeunissent,
Et de tous côtés refleurissent,
Sachant l’arrivée en ces Lieux
Des FILLES du Premier des DIEUX,
Comme d’Elles ils croient naître,
Ils viennent les en reconnaître,
Faisant tout à fait galamment,
Au son de maint doux Instrument,
Pour chacune exprès une ENTRÉE
Digne d’être considérée,
Et qui convient encor de plus
À ces célestes Attributs.

Ainsi, pour la grande URANIE
Qui des CIEUX connaît l’Harmonie,
Des Danseurs lestes et fringants
Font les SEPT PLANÈTES ERRANTS.

Afin d’honorer MELPOMÈNE
Qui préside, comme Inhumaine,
Aux tragiques Événements,
On lui fait voir ces deux AMANTS [Pyrame et Thisbé.]
Qui dessous un MURIER s’occirent,
Dont les Mûres blanches rougirent.

TALIE, aimant, plus sagement,
Ce qui donne de l’enjouement,
Est comiquement divertie
Par une belle Comédie [Mélicerte.]
Dont MOLIÈRE, en cela Docteur,
Est le très admirable Auteur.

Pour EUTERPE, la PASTORALE,
Bien dignement on la régale
Par le DIALOGUE excellent
D’un CHŒUR et charmant et brillant,
Tant de BERGERS que de BERGÈRES,
Qui ne foulent point les Fougères,
Six desquels, ainsi qu’au Compas,
Font en dansant de divins pas.

Le Roi, le Marquis de Villeroi, Madame et la Marquise de Montespan, avec Mademoiselle de la Valière, et Mademoiselle de Toussi.

CLION, DÉESSE de l’HISTOIRE,
Sous qui j’ouvre mon Écritoire,
A là, pour son plus digne Ébat,
L’Image d’un fameux COMBAT,
Et surtout est considérée
Ladite Martiale ENTRÉE
Où les Combattants admirés
Se portent des Coups mesurés,
Autant d’Estoc comme de Taille,
Sans ensanglanter la Bataille ;
Et puis, par un plaisant Refrain,
Tous cabriolent sur la fin.

Quant à la noble CALIOPE,
Sans le Secours de qui l’on chope
Dans la Structure du beau Vers,
Des POÈTES de talents divers
La divertissent par leur Danse,
Comme entendus en la Cadence.

Son FILS ORPHÉE après survient,
Qui sur sa LYRE s’entretient,
Ou du moins son parfait COPISTE,
Savoir l’admirable BAPTISTE, [Autrement le Sieur Lully.]
Et l’on entend dessus ses Pas
Les Accents tous remplis d’appâts
D’une NYMPHE, qui de son Âme [Mademoiselle Hilaire.]
Découvre l’amoureuse Flamme.

ERATON, à qui sur l’AMOUR
D’ordinaire l’on fait la Cour,
Est aussi très bien recréée
Par six DANSEURS pour son ENTRÉE,
Représentants de nos ROMANS
Les six plus célèbres AMANTS.

Pour POLYMNIE, dont l’ÉLOQUENCE
Reconnaît la pleine Puissance
Et la DIALECTIQUE aussi,
Son Divertissement ici
Est d’ORATEURS et PHILOSOPHES
De fort différentes ÉTOFFES,
Et ridiculement tournés
Par Gens moins qu’Eux illuminés.

Quant à la Dame TERPSICORE [sic.],
Dont l’ENTRÉE est plaisante encore,
Étant Maîtresse, de tout temps,
Des rustiques Danses et Chants,
Huit FEMMES SAUVAGES et FAUNES,
Qui montrent à maints leurs Becs-jaunes
Dans l’Art de figurer un Saut,
La réjouissent comme il faut.

Or, renouvelant leur DÉBAT,
Qui jadis fit si grand éclat,
Trois Nymphes par elles choisies,
Qui ne sont point Nymphes moisies,
Pour juger sur ce différend,
En dansant viennent prendre rang ;
Et comme, en un mot, les dernières,
Trop pigrièches [sic.], trop altières,
Se préparent encor après
A batailler sur nouveaux frais,
JUPIN, le MAÎTRE de la FOUDRE,
Enfin de tout vient en découdre,
En changeant ces Objets si beaux,
Pour leur châtiment, en Oiseaux.

Mais, comme dedans cet Orage,
Jupin ne paraît qu’en Image, [Le Comte d’Armagnac.]
Ce Changement semblablement
Ainsi qu’un SATYRE et bon Drôle
Qui, faisant après eux son Rôle,
Chante un Air des plus à propos,
Et tout aussi bien que le GROS. [C’est lui.]

Ensuite, l’Onzième ENTRÉE,
Qui des plus me charme et m’agrée,
Ces MUSES dansent, à leur tour,
Sous le Visage et sous l’Atour
D’autant de BEAUTÉS éclatantes
Et qui me semblent plus charmantes.

Avec elle sautent, de plus,
Les Neuf FILLES de PIERUS,
Aussi dessous d’autres Visages,
Non moins dignes de nos Hommages,
Mais de qui l’une est hors de Pair,
Ce qui vous paraîtra tout clair
En lisant seulement en marge
Leurs Noms qui s’y trouvent au large.

Piérides : Madame, Madame de Montespan, Madame de Cursol, Mesdemoiselles de la Vallière, de Toussi, de la Mothe et de Fiennes, Madame du Ludre, et Mademoiselle de Brancas.
Muses : Mesdames de Villequier, de Rochefort et de la Vallière, Madame la Comtesse du Plessis et Madame d’Udicourt, Mesdemoiselles d’Arquien, de Longeval, de Coëtlogon de la Marc.

N’est aussi qu’un feint Changement,
Et ces FILLES, je vous le jure,
Se retrouvent en leur nature.

Voilà ce que j’avais promis
À tous Lecteurs, nos bons Amis,
Et j’en suis quitte sans miracle.
Mais, pour de ce noble Spectacle
Concevoir bien mieux la beauté,
Je leur conseille, en vérité,
D’aller, pour livre ou demi-livre,
En acheter le galant LIVRE, [Chez le Sieur Balard.]
Que le SUBSTITUT d’APOLLON,
Et, je pense, autant que lui blond [Monsieur de Bensérade.]
En a fait à son ordinaire,
Peignant des mieux le CARACTÈRE
Des BALADINS les Principaux,
Dont il a fait tant de Tableaux.




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