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Robinet, Lettre en vers à Madame du 10 novembre 1668
-Fête de la Saint-Hubert au cours de laquelle Molière représente George Dandin et L’Avare :
- PRINCESSE, après cette Apostrophe,
- Souffrez qu’en ma première Strophe
- Je parle de la SAINT-HUBERT,
- Car maint Curieux s’en enquiert
- Et, certe [sic.], en cette mienne Épître
- En croira trouver un Chapitre.
- La Chasse a duré quatre jours,
- En laquelle, entre maints Amours,
- Ou des Objets qui leur ressemblent,
- Et devant lesquels les cœurs tremblent,
- Vous paraissiez, la REINE et VOUS,
- Comme les Souverains de tous,
- Par mille Charmes adorables
- Autant comme ils sont redoutables.
- Le ROI, qui, faute de Combats,
- À la Chasse prend ses ébats,
- Et qui partout a Vent en poupe,
- Présidait à la belle Troupe,
- Avecque le Prince charmant
- Dont vous êtes le digne Aimant.
- Monsieur le DUC, le Parent vôtre,
- Bon Ami de la Muse nôtre,
- Et le grand Blondin de BEAUFORT,
- DUC aussi que j’honore fort,
- Étaient de ladite Partie,
- Admirablement assortie
- En Chasseresses et Chasseurs,
- Giboyeuses et Giboyeurs,
- Ainsi qu’en Meutes excellentes,
- Grandement à la Proie ardentes.
- Il en prit mal pour les Destins
- De plusieurs Cerfs et plusieurs Daims.
- Qui, malgré leur agile course,
- Se trouvèrent là sans ressource
- Et furent réduits au Trépas,
- Qu’ils pensaient fuir à grands pas,
- Heureux néanmoins, pour des Bêtes,
- De périr dans ces belles Fêtes,
- Pour le plaisir et les beaux Yeux
- De tant d’Objets dignes des Dieux
- Et qui, par leurs rigueurs extrêmes,
- Font bien mourir les Hommes mêmes.
- De francs Banquets de Luculus,
- Et magnifiques encor plus,
- Ont, au retour desdites Chasses,
- Rempli les avides espaces
- De l’Intestin des beaux Veneurs,
- Affamés comme des Chasseurs,
- Ces Festins s’étant faits de sorte,
- Ainsi que l’on me le rapporte,
- Qui convenait bien tout à fait,
- Car les Plats, Chandeliers, Buffet,
- Tout était de beau bois de Corne,
- Savoir de Cerf, non de Licorne,
- Ou d’autres Animaux cornus,
- Desquels il est tant que rien plus.
- Le Ballet, Bal et Comédie,
- Avecque grande Mélodie,
- Ont été de la Fête aussi.
- Et, quoique alors je fusse ici,
- Néanmoins un chacun j’assure,
- Et, si l’on veut, même j’en jure,
- Que tout cela fut merveilleux,
- Pour ne dire miraculeux,
- Car, d’ordinaire, l’on remarque
- Que de notre auguste MONARQUE
- Les nobles Divertissements
- Sont comme des Enchantements.
- Au reste, l’on dit que MOLIÈRE,
- Paraissant dans cette Carrière
- Avecque ses charmants Acteurs,
- Ravit ses Royaux Spectateurs
- Et, sans épargne, les fit rire,
- Jusques à notre grave SIRE,
- Dans son PAYSAN mal marié,
- Qu’à Versaille [sic.] il avait joué,
- Et dans son excellent AVARE,
- Que ceux de l’Esprit plus bizarre
- Ont rencontré fort à leur goût,
- Du commencement jusqu’au bout.
- C’est, je pense, le beau Régale
- Pour nous traiter à la Royale,
- Qu’il nous promet aux premiers jours ;
- Faisons y donc un grand concours.
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