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Robinet, Lettre du 25 février 1673
- Le fameux Auteur Théâtral,
- Le célèbre Peintre Moral,
- L'Acteur de qui, sur le Théâtre,
- Chacun fut, toujours, idolâtre,
- L'Introducteur facétieux
- Des Plaisirs, des Ris et des Jeux,
- Qui le suivaient comme leur Maître,
- Et celui qui les faisait naître.
- Le charmant Mome de la Cour
- Qui l'appelait en chaque jour
- De ses fêtes, et ses liesses,
- Pour mieux remplir ses allégresses,
- Molière, enfin, dont Prose, et Vers
- Ont ébaudi tout l'Univers,
- Et qui gagna d'immenses Sommes,
- En frondant les vices des Hommes,
- Ce Molière a fini son Sort.
- Oui, la Mort, la traîtresse Mort,
- Au sortir de sa Comédie,
- Borna le Filet de sa vie,
- Avecque son Trait meurtrier,
- Sans lui donner aucun Quartier;
- Et ladite Parque incommode
- Travestit, hélas ! à sa mode,
- Celui, qui, tant et tant de fois,
- Travestit son Corps, et sa Voix,
- D'une si plaisante manière.
- J'en sens une douleur plénière :
- Mais bornons cet Article-ci
- Par l'Epitaphe que voici.
- Dans cet obscur Tombeau repose
- Ce Comique Chrétien, ce grand Peintre de Mœurs,
- De qui les âpres Vers, et la mordante Prose,
- Des Défauts de son Temps, furent les vrais Censeurs.
- Ci-gît ce rare Pantomime,
- Qui, sous divers Habits, jouant tous les Humains,
- S'acquit des uns, la haine, et des autres l'estime,
- Et du jaune Métal, gagnait à pleines mains.
- Ci gît ce Mome de la Terre,
- Qui si souvent fit rire, et la Ville, et la Cour,
- Et qui, dans ses Ecrits, que chèrement on serre,
- Va faire, après sa mort, rire encor chaque jour.
- Il ne lui prit jamais, envie
- D'appeler à son aide aucun des Médecins,
- Il déclama contre eux, presque toute sa vie,
- Et néanmoins, par eux, il finit ses Destins.
- C'est, Passant, ce que j'en puis dire,
- Sinon que tout autant qu'il fut sur le bon pied,
- Et travesti, jadis, à faire chacun rire,
- Il l'est, sous cette Tombe, à faire à tous pitié.
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