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Qui m'attache à tous vos intérêts


"Madame, je vous crois l'âme trop raisonnable,
Pour ne pas prendre bien, cet avis profitable ;
Et pour l'attribuer qu'aux mouvements secrets
D'un zèle qui m'attache à tous vos intérêts."
Le Misanthrope, III, 4, v. 909-912

Dans La Précieuse (1656-1658), l'abbé de Pure évoquait ces "bigotes" médisantes qui se plaisent à dire aux gens des "choses désavantageuses" en feignant de les dire à contre cœur :

Quand vous avez parlé de bigote, répartit Mélanire, j’ai cru que vous alliez dire que j’étais comme celles qui ont toute la douceur imaginable dans le semblant, dans leur démarche, dans leur ton de voix, et même dans les sentiments ; […] de qui toutes les actions sont compassées, toutes les pensées tirées à la ligne, tous les discours étudiés et peignés, s’il faut ainsi dire. Elles se piquent de conserver cette égalité inébranlable ; elles jeûneraient trois Carêmes pour vaincre l’émotion d’une colère, l’inquiétude d’un désir, et l’indiscrétion d’une crainte. Mais dans ce froid de leur composition, elles ne craignent point de médire, de taxer, de couper, de tailler tout ce qui peut se trouver à la portée de leurs coups. Elles sont médisantes de la dernière médisance, mais elles se vantent de ne l’être pas, parce qu’elles assurent ne parler qu’en froideur, sans chaleur de foie, sans émotion d’âme. Au contraire, bien loin de s’aigrir, elles s’adoucissent encore plus, protestent être fâchées d’avoir sujet ou occasion de dire les choses désavantageuses, mais pourtant elles ne laissent pas de les dire.
(La Précieuse, éd. Magne, Droz, 1938, p. 18-19)

Dans Zélinde de Donneau de Visé, l'héroïne propose à un écrivain en recherche de sujet d'effectuer le portrait d'une femme de ce type :

Je tiens quelque chose. Il faudrait dépeindre de ces discrètes médisantes ; de ces femmes de si et de mais, qui disent toujours du bien en médisant ; ou plutôt, qui médisent, en disant du bien. Quoi que l’on leur puisse dire à l’avantage d’une personne, elles l’avouent ; mais elles ne manquent jamais ensuite de se servir du, si, ou du mais. Si l’on leur dit qu’une personne est belle. Oui, diront-elles, elle est belle, elle a de l’éclat, et si, elle a les yeux ronds, la bouche plate et la taille mal faite. Si on dit qu’une autre est vertueuse, elles l’avoueront, encor, et diront ensuite, mais l’on dit telles et telles choses d’elles ; je sais bien que ce sont des faussetés, mais enfin la médisance ne laisse pas que de les publier, et cela nuit beaucoup à sa réputation.

Le dépit qui sous-tend ce type de comportement est également souligné par Dorante dans Le Tartuffe ("non point par charité, mais par un trait d'envie").




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