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Quelque aumône


" Si vous vouliez, Monsieur, me secourir de quelque aumône.[...] Je suis un pauvre homme, Monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix ans, et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu'il vous donne toute sorte de biens. - Eh, prie-le qu'il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres.".
Don Juan ou le Festin de pierre, III, 2

Les plaisanteries sur l'aumône du recueil Les Divertissements curieux, ou Le Trésor des meilleures rencontres et mots subtils de ce temps (Lyon, Jean Huguetan, 1650) proposent des bons mots semblables :

D’un riche et d’un pauvre

Un pauvre demandait souvent l’aumône à un certain gentilhomme, lequel était peu charitable, quoique grandement riche, qui au lieu de lui donner l’aumône le renvoyait avec injure, il advint que ce gentilhomme se blessa à un genou, supportant des grandes douleurs, ne pouvant cheminer, il passait une grande partie du jour sur la porte de son logis, d’où voyant passer souvent ce pauvre, il l’appelait, et lui donnant l’aumône, lui disait qu’il priât Dieu pour lui faire revenir la santé. Mais le pauvre au contraire dit qu’il priait Dieu qu’il se rompit l’autre genou, afin qu’il devint plus dévot et plus charitable.
( p. 10)

D’un soldat à un pauvre

Un pauvre demandant l’aumône à un soldat, il lui dit, Monsieur, donnez-moi s’il vous plaît l’aumône pour l’honneur de Dieu, et je prierai pour vous. Le soldat lui donne, lui disant, tiens, je te la donne, mais non pas à cette condition-là ; prie Dieu pour toi si tu veux, sans faire mention de moi, car je ne veux pas qu’on me reproche que je prête à usure.
(Ibid., p. 253 ; repris dans Le Courrier facétieux, 1668, p. 73)

La question des pauvres et de l'éventuel soutien qu'il faut leur accorder est débattue lors d'une conférence du bureau d'adresses, résumée dans le recueil de 1666 :

Sur le second point, il fut dit qu'il y a trois sortes de pauvres. Les uns qui le sont en effet, et se disent tels : les autres qui se disent l'être et ne le sont pas ; les troisièmes qui ne le disent pas, encore qu'ils le soient. Les premiers font les pauvres invalides par la maladie, l'âge, ou autre inconvénient : au traitement et nourriture desquels les hôpitaux font destinés. Les seconds sont les valides qui ne peuvent être dits pauvres, tandis qu'ils ont de bons bras pour gagner leurs vies. Les troisièmes sont les pauvres honteux. Leur désordre est général, mais celui des valides a de plus dangereux effets. Et d'autant qu'il faut connaître un mal avant que le guérir, il se peut dire que ces gueux-là sont la plus dangereuse peste des états : soit qu'on les considère à l'égard de Dieu, de nous, ou d'eux-mêmes. Ils ne parlent de Dieu qu'en le blasphémant, ou pour se le rendre tributaire ; abusent de ses sacrements ; et contreviennent aux commandements de profession formée. Car il dit à l'homme : Tu mangeras ton pain à la sueur de ton visage. Eux dévorent le pain d'autrui sans rien faire. Il n'y aura point, dit-il, entre vous, de mendiant et ils en font métier , venant jusques aux Autels interrompre les dévotions. A notre égard,ils sont la semence ordinaire de la peste par leurs ordures et infections qu'ils traînent jusques à nos portes ; de la guerre, par la facilité que le moindre mécontent a toujours trouvée d'enrôler telles gens sans aveu, prêts à tout faire sans crainte du châtiment, dont la pauvreté est exempte ; de la famine,'ces ventres paresseux et poids inutiles de la terre étant aussi ineptes à la cultiver et les autres arts qui apportent les biens aux hommes, qu'ils sont insatiables à les engloutir. Toutefois ils nuisent encore moins à autrui qu'ils ne font à eux-mêmes, menant une vie morte, voire pire mille fois que la mort par les misères dans lesquelles leur oisiveté les plonge. Or il n'importe pas moins au public d'empêcher leur fainéantise qu'au corps humain de souffrir une partie paralytique sous prétexte qu'elle est moins noble que les autres. Je soutiens donc qu'il faut contraindre les valides au travail, en les enfermant et châtiant.
("Du règlement des pauvres", Recueil général des questions traitées dans les conférences du bureau d'adresses, 1666, p. 342 et suiv.)

La mendicité avait été condamnée dans un édit royal "contre les mendiants valides" de 1661 (Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XVIII, p. 5-7)




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