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Quel solécisme horrible


"Ah peut-on y tenir! – Quel solécisme horrible!
En voilà pour tuer une oreille sensible."
Les Femmes savantes, II, 6 (v. 486-487)

Le héros du Barbon (1648) de Guez de Balzac se scandalisait également des solécismes insultant la langue :

Il n' y eut pas moyen de l' empêcher d'aller chez Monsieur le garde des Sceaux, crier de toute sa force contre le temps, et contre les moeurs ; se plaindre que le droit divin et humain était violé, et lui demander raison du plus grand désordre de l'état. Ce grand désordre, dont lui-même, Monsieur le Garde des Sceaux était le premier coupable, c'était de dire et d'écrire, lettres royaux et ordonnances royaux, et non pas lettres royales et ordonnances royales. Quelle honte ! (ce sont ses propres termes, de la traduction de son disciple), quelle vilenie, que tout un grand peuple commette impunément tous les jours un si exécrable, un si abominable solécisme ; et que non seulement il soit souffert par l'indulgence de l'autorité publique, mais que l'autorité publique l'approuve, mais qu'elle y prête la main, mais que les juges soient les criminels ? Il ne faut rien espérer de bon de l'avenir, si on laisse durer cet abus ; si on souffre cette corruption dans la source même de la justice. La grammaire est le fondement du commerce et de la société, et si on sape le fondement, l'édifice peut-il demeurer debout ? La politique peut-elle subsister sans la grammaire ?
(p. 54)

Dans le "petit traité" "Des nouvelles remarques sur la langue française" (Petits Traités en forme de lettres, 1647) La Mothe le Vayer exprimait son mépris envers ceux qui s'attachent à dénoncer les fautes de langue minimes :

Aussi n'ignorez-vous pas avec combien de mépris on a toujours parlé de ces personnes qui pointillent perpétuellement sur les dictions et que les Latins ont si bien nommées cymini sectores, aucupesque syllabarum. Aulu-Gelle les appelle encore fort proprement verborum pensitatores subtilissimos, lorsqu'il se souvient de la sottise d'un Gallus Asinus, d'un Largius Licinius, qui accusaient Cicéron de n'avoir pas bien parlé latin [...]. Il ne faut donc pas être si exact aux moindres équivoques, ni condamner des élocutions comme mauvaises sur ce prétexte qu'à les prendre d'un autre côté que n'a fait celui qui s'en sert, on leur pourrait donner un sens différent du sien.
(éd. des Oeuvres de 1756, VI, 2, p. 62-63)




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