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Que visiteraient marquis et beaux esprits


"Moi, j'irais me charger d'une spirituelle
Qui ne parlerait rien que cercle et que ruelle,
Qui de prose et de vers ferait de doux écrits,
Et que visiteraient marquis et beaux esprits [...] ?"
L'Ecole des femmes, I, 1 (v. 87-90)

Cette dénonciation de l'aspect pernicieux, pour une femme, des activités mondaines, se retrouve dans la littérature morale de l'époque. On la lit par exemple

Sganarelle, dans L'Ecole des maris, tenait un discours proche, s'étonnant que son frère laisse son épouse "courir tous les bals et les lieux d'assemblée" et recevoir des hommes "qui joueront et donneront cadeaux". Dans les Maximes du mariage présentées à Agnès, "ces sociétés déréglées" seront catégoriquement proscrites.

Le conflit conjugal autour des visites avait déjà fait l'objet d'une notation ironique dans le Polyandre (1648) de Charles Sorel (4)


(1)

Eudoxie, dans L'Ecole des filles en dialogues (1659) met en garde la jeune Parhénie contre le danger des visites :

Eudoxie:
L’emploi le plus innocent [des visites] est de perdre quatre ou cinq heures chaque jour, où d’ordinaire les femmes ne sont portées que par une sotte curiosité, et desquelles enfin on ne sort guère, quand on a un peu de vertu, sans avoir le regret d’avoir trouvé des gens qui n’en ont guère. [...] C’est dans ces visites où la médisance, la vanité et l’envie trouvent leur plus bel emploi. […] Une jeune fille qui commence à venir dans le monde apprend en peu de temps beaucoup de mauvaises choses, et qui lui laissent d’ordinaire de dangereuses impressions, et bien souvent dans une seule visite elle entend plus parler de désordres qu’elle ne s’imaginait qu’il en arriva en tout un siècle.
(Dialogue premier : Parthénie, ou la fille à marier, p. 11-14)

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(2)

Les visites, quand elles sont trop fréquentes, marquent un esprit léger, et qui n'est point capable de s'entretenir : elles sont ordinairement suivies de beaucoup de fautes. Quelques jurisconsultes les accusent d'impudicité.
Que fait-on en ces visites ? On y joue, et le jeu nous dérobe souvent trois grands biens, l'argent, le temps, et la conscience.
(Cordier, La Famille sainte , 1662, p.239 et suiv., numéroté 139)

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(3)

L’Homme et la femme sont des animaux sociables, ils désirent la compagnie, et le divertissement [..]. Il est certain que comme il n’y a rien de plus important aux femmes que de savoir choisir les bons esprits pour la conversation, aussi n’y a-t-il rien de plus difficile : pour ce sujet, les vertueuses apportent de grandes précautions à ce choix, elles préfèrent toujours ces compagnies, auxquelles avec le divertissement d’une honnête conversation, elles espèrent d’apprendre les lois d’une vie sainte et chrétienne. [...]
Saint Grégoire le Grand assure que sa tante Gordiane, qui avait fait profession de suivre les règles de dévotion avec ses autres tantes, se relâcha, et enfin se perdit par la trop fréquente conversation des filles mondaines : qu’eût-elle fait, parmi les discours des vicieuses et les légèretés des jeunes folâtres ?
Si les femmes prenaient autant de soin à fuir les compagnies dangereuses, si elles prenaient autant de soin à conserver leur vertu, comme pour conserver leur visage, et autant de précautions pour fuir les occasions de devenir vicieuses, que pour fuir celles de devenir laides et désagréables, nous aurions plus de saints mariages que nous n’en avons.
(Le Saint Mariage, ou Instructions chrétiennes, qui apprennent aux personnes mariées à vivre saintement et heureusement dans cet état, par un Religieux de l’Ordre de Saint François, Paris, Pierre de Bats, 1682, p. 163-164)

(4)

Je vous dirai librement ma petite humeur, dont j'ai déjà déclaré une partie. Si je reçois visite de quelque galant de cour ou de ville, qui semble être contraint devant un mari, j'entends que si le mien se trouve dans la chambre, il s'éclipse incontinent, sans avoir la curiosité de me demander à son retour qui est celui qui m'a visitée.
(Partie II, p. 583)




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