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Quand tu me donnerais


"Sache, mon ami, que quand tu me donnerais une bourse pleine de pistoles, et que cette bourse serait dans une riche boîte, cette boîte dans un étui précieux, cet étui dans un coffret admirable, ce coffret dans un cabinet curieux, ce cabinet dans une chambre magnifique, cette chambre dans un appartement agréable, cet appartement dans un château pompeux, ce château dans une citadelle incomparable, cette citadelle dans une ville célèbre, cette ville dans une île fertile, cette île dans une province opulente, cette province dans une monarchie florissante, cette monarchie dans tout le monde; et que tu me donnerais le monde où serait cette monarchie florissante, où serait cette province opulente, où serait cette île fertile, où serait cette ville célèbre, où serait cette citadelle incomparable, où serait ce château pompeux, où serait cet appartement agréable, où serait cette chambre magnifique, où serait ce cabinet curieux, où serait ce coffret admirable, où serait cet étui précieux, où serait cette riche boîte dans laquelle serait enfermée la bourse pleine de pistoles, que je me soucierais aussi peu de ton argent et de toi que de cela"
La Jalousie du Barbouillé, sc. II

La tirade de docteur en forme de coq-à-l'âne est bien attestée dans les recueils de morceaux de bravoure de la commedia dell'arte. Ainsi dans le Zibaldone di concetti comici (1733) de Placido Adriani(1).

On en retrouve un exemple dans les notes de Biancolelli pour le spectacle italien "Arlequin cru prince", joué au Palais-Royal durant les années 1660 (2).

Auparavant, Cyrano de Bergerac l'avait exploitée dans une réplique de sa comédie Le Pédant joué (1654)(3)


(1)
TIRATA SOPRA UN PASTO

Si vuò volì mò far un pranz pigliari dò solo di carne di videl, e ne farì una polpettina,
e se non basta la polpettina, la mettarì in un beccafigh
e se non basta el beccafigh e la polpettina, la mettarì in un tord,
e se non basta il tord, el beccafigh e la polpettina, la mettarì in una quaggia,
e se non basta la quaggia, il tord, el beccafigh e la polpettina, la mettarì in un pizzon,
e se non basta il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, la mettarì in un pollaster,
e se non basta il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, la mettarì in un cappon,
e se non basta il cappon, il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, la mettarì in un oga,
e se non basta l'oga, il cappon, il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, la mettarì in un gall' d'India,
e se non basta il gallinazz, l'oga, il cappon, il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, vu metti tutt' quest' in un cauvret,
e se non basta il cauvret, il gallinazz, l'oga, il cappon, il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, a el metterì in un castrad,
e se non basta il castrà, il cauvret, il gallinazz, l'oga, il cappon, il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, vù pilgiè una videla,
e se non basta la videla, il castrà, il cauvret, il gallinazz, l'oga, il cappon, il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina, e vù prendè una vacca,
e se non basta la vacca, il castrà, il cauvret, il gallinazz, l'oga, il cappon, il pollaster, il pizzon, il tord, el beccafigh e la polpettina,
allora deme de naso drio sera e mattina.
(in V. Pandolfi, La commedia dell'arte, Firenze, Sansoni, 1958, t. IV, p. 259)

(2)

Je dis que, pour me faire revenir l'appétit, je voudrais manger un plat de macarons et ensuite un peu de rôti, que pour cet effet je veux que l'on m'aille tuer une vache, qu'on la vide, et qu'on lui mette
dans le corps un veau,
dans ce veau un agneau,
dans l'agneau une poule,
dans la poule un poulet,
dans le poulet une alouette,
et dans l'alouette un grain de sel et poivre,
que l'on mette cela promptement à la broche, et que je veux manger le tout.
(éd. D. Gambelli, Arlecchino a Parigi. Lo scenario di Domenico Biancolelli, Rome, Bulzoni, 1993, t. II, p. 331)

(3)

Et pour en descendre aux preuves, j'argumente ainsi. Du monde, la plus belle partie, c'est l'Europe. La plus belle partie de l'Europe, c'est la France, secundum geographos. La plus belle ville de France, c'est Paris. Le plus beau quartier de Paris, c'est l'université, propter musas. Le plus beau collège de l'université, je soutiens à la barbe de Sorbonne, de Navarre, et de Harcourt, que c'est Beauvais ; et son nom est le répondant de sa beauté, puisqu'on le nomma Beauvais, quasi beau à voir. La plus belle chambre de Beauvais, c'est la mienne. Atqui, le plus beau de ma chambre ; c'est moi. Ergo, je suis le plus beau du monde.
(Oeuvres diverses, Paris, Sercy, 1654, III, 2, p. 89)




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