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Qu'est-ce que dans le monde on ne corrompt point tous les jours


"J'avoue qu'il y a eu des temps où la comédie s'est corrompue. Et qu'est-ce que dans le monde on ne corrompt point tous les jours ?"
Le Tartuffe, préface

L'argument de la corruption avait été avancé dans le Discorso familiare intorno alle commedie moderne (1628) du comédien dell'arte Niccolo Barbieri (1)

La constatation paradoxale de la corruption des choses excellentes est faite à de fréquentes reprises dans les écrits de La Mothe le Vayer; ainsi dans

On relève également la même idée dans un ouvrage anonyme non daté intitulé Salomon ou la politique royale (7), ainsi que dans un passage du traité De l'usage des passions (1641) de Jean-François Senault (8).


(1)

chi usasse la rettorica solo per lenocinio, la logica per inganno e tutte le buone scienze per pravità, che colpa n'avrebbeno l'arti ne i buoni professori delle scienze ? adunque senza dubbio i biasimi vanno a chi mal professa l'arte e non a tutti.
(p. 19)

(voir également "quelques-uns qui l'ont traitée plus doucement")

(2)

il n'y a peut-être rien de si exquis ni de si prisable dans le monde qui ne se corrompe de soi même avec le temps ou que notre mauvais usage ne déprave presque toujours.
(Oeuvres, 1757, III, 1, p. 294)

(3)

il n'y a point de pire corruption que celle des choses excellentes.
(Oeuvres, 1757, III, 2, p. 216).

(4)

Quoique les meilleures choses se corrompent par le mauvais usage, ce n'est pas à dire qu'elle soient condamnables en elles-mêmes. Les polices, qui ont été inventés pour le bien des hommes, tournent souvent à leur désavantage, et néanmoins ils ne sauraient s'en passer, quelques rigoureuses qu'elles deviennent.
(Oeuvres, 1757, VII, 2, p. 215)

(5)

Il semble que rien ne nous plaise en l'état que la nature l'a créé [...], comme Pline l'a déjà observé sur un sujet approchant de celui-ci. Nous corrompons jusqu'à la pureté des éléments, pour les faire servir à nos vices plutôt qu'à nos plaisirs.
(Oeuvres, 1757, VI, 1,p. 538)

(6)

Il y a, ce me semble, de quoi trouver étrange que la philosophie, n'étant autre chose que l'art de la vie et la science d'en bien user, si tant est qu'on puisse dire qu'il y en ait quelqu'une, son nom soit devenu, je ne dirais pas si vil et si obscur, mais si méprisé et infâme que nous le voyons.[...] descendant un peu plus au particulier, je considère les extrémités vicieuses qui ont principalement diffamé toutes les écoles philosophiques [...] Ce n'est donc pas merveille si, n'ayant pas de corruption plus grande que des choses les plus parfaites, acetum vini proles, celle de Pyrrhon nous a produit de même ses extravagants qu'on nous objecte ou plutôt ses fols insensés.
(t. II, p. 161-162)

(7)

Cependant toutes ces feintes et ces artifices ne détruisent pas la vérité primitive imprimée dans la nature par tous les coeurs. Ils font seulement voir la corruption des hommes, qui profanent les choses les plus saintes, et abusent de l'inclination qu'ont les peuples à reconnaître la divinité.
(p. 6)

(8)

Mais ce bel art [l’art poétique] ne paraissait jamais plus pompeux que quand il montait sur le théâtre et que, rempli d’une nouvelle fureur, il représentait les supplices des criminels, la mort tragique des tyrans, et les malheureux succès de l’injustice ou de l’impiété ; car il intimidait les princes, il étonnait les sujets, et pat de funestes exemples, il enseignait aux uns le respect, aux autres la clémence, et à tous deux la justice et la religion. Alors toutes les comédies étaient des instructions, on regardait les lieux où elles se récitaient comme des académies de philosophes, et les auditeurs n’en sortaient jamais qu’ils ne fussent bien persuadées de la vertu. Mais les hommes, qui corrompent les meilleures choses, abusèrent enfin de la poésie, et soumirent injustement à leurs passions celle qui les réformait par ses avis. Cet art innocent qui n’avait fait la cour qu’à la vertu devint l’esclave du vice, et les impudiques profanèrent toutes les chastes beautés en les faisant servir à l’impureté.
(p. 183)




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