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Point au théâtre à parler de ces matières


"Je sais bien que, pour réponse, ces messieurs tâchent d'insinuer que ce n'est point au théâtre à parler de ces matières."
Le Tartuffe, Préface

L'idée selon laquelle "ce n'est point au théâtre à parler de ces matières" avait été formulée dans le sonnet "Sur la comédie" (Poésies chrétiennes, 1654) d'Antoine Godeau (1), dont le dernier distique avait été cité dans le Traité de la comédie (1667) de Conti (p. 37)

Une opinion voisine avait été avancée dans le Traité de la comédie (1667) de Nicole (2)


(1)

Le Théâtre jamais ne fut si glorieux,
Le jugement si joint à la magnificence,
Une règle sévère en bannit la licence,
Et rien n'y blesse plus ni l'esprit, ni les yeux.

On y voit condamner les actes vicieux,
Malgré les vains efforts d'une injuste puissance,
On y voit à la fin couronner l'innocence,
Et luire en sa faveur la Justice des Cieux.

Mais en cette leçon si pompeuse et si vaine,
Le profit est douteux, et la perte certaine,
Le remède y plaît moins que ne fait le poison ;

Elle peut réformer un esprit idolâtre,
Mais pour changer leurs moeurs, et régler leur raison,
Les Chrétiens ont l'Eglise, et non pas le théâtre.
(éd. de 1660, p. 464)

(2)

Il est si vrai que la comédie est presque toujours une représentation de passions vicieuses que la plupart des vertus chrétiennes sont incapables de paraître sur le théâtre. Le silence, la patience, la modération, la sagesse, la pauvreté, la pénitence ne sont pas des vertus dont la représentation puisse divertir les spectateurs, et surtout on n'y entend jamais parler de l'humilité, ni de la souffrance des injures. Ce serait un étrange personnage de comédie qu'un religieux modeste et silencieux. Il faut quelque chose de grand et d'élevé selon les hommes ; ou du moins quelque chose de vif et d'animé, ce qui ne se rencontre point dans la gravité et la sagesse chrétiennes.
(éd. des Essais de morale de 1678, p. 279)




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