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Plus qu'il ne le veut lui-même


"[...] [ils] ne veulent point prendre, avec un zèle extrême,
Les intérêts du Ciel, plus qu'il ne veut lui-même."
Le Tartuffe, I, 5, v. 397-400

L'indifférence du Ciel à l'égard de ce qui se passe dans le monde est une idée présentée par La Mothe le Vayer dans son dialogue "De la divinité" (Cinq dialogues à l'imitation des Anciens, s. d.) :

Si toutes choses sont prédestinées inévitablement de toute éternité ou dépendent absolument du sort ou de la fortune, sans que les dieux s'en entremettent, comme les désordres présupposés le montrent assez, il s'en suit d'une conséquence nécessaire que toutes nos dévotions, nos latries, nos prières, oraisons, sont choses vaines et ridicules, inventées par ceux qui voulaient profiter de leur introduction, et confirmées ensuite par l'accoutumance aveugle et populaire, voire même par des plus clairvoyants, qui estimaient cette fiction fort utile à réprimer les plus vicieux. Ce n'est pas que par un zèle indiscret elle ait opéré souvent à rebours :
Religio peperit scelerosa et impia facta. (Lucrèce, l. 2)
Les Egyptiens en peuvent bien servir d'exemple, lesquels n'osant par respect et consience, manger des chiens, ni des chats, d'oignons, ni de choux, dévoraient fort librement des hommes, Diod. Sicilien l. I. Et ceux qui protestaient dans notre maître Sextus de manger plutôt la tête de leur père, qu'une seule fève. Et là dessus ils opposent aux histoires du parti contraire, qui faisaient pour la piété, et qu'ils disent être ou fausses et fortuites, et en petit nombre, des narrations toutes contraires, et que personne ne peut contredire, pour être infinies, et journalières, de la prospérité des méchants, et de la calamité des plus vertueux et des plus religieux. Il n'y eut jamais une plus heureuse navigation, que celle de ce Tyran de Syracuse au retour de Locres, où il avait commis ce si fameux sacrilège, violant et pillant le temple de Proserpine. Et si Diogène disait Cyniquement vrai, qu'Harpalus le plus grand Corsaire de son temps, portait témoignage contre les Dieux de sa longue et heureuse vie, on en pourrait assez nommer au temps présent, dont les comportements n'argumentent pas moins visiblement, et fortement contre leur providence. Le plus dévot de tous les Rois de Portugal périt misérablement en Afrique à la journée des trois Rois ; et l'Histoire de la Chine par P. Trigault, nous apprend que leurs plus religieux Empereurs ont tous calamiteusement fini de mort violente. C'est ainsi que les Religions sont malmenées par ceux qui ont bien reconnu des Dieux, mais à la mode d'Epicure, ne se mêlant point de nos affaires, et néanmoins Erasme, disait-il, y a peu, que nemo magis promeretur nomen Epicuri quam Christus, sur l'allusion de son nom επικyρθ, auxiliator.
(éd. de 1716, p. 375-377)

L'impossibilité de reconnaître les desseins de Dieu est soulignée dans le "petit traité "De la connaissance des choses divines" (Derniers Petits Traités, 1660) :

Dieu, dans sa toute-puissance et dans ses autres incompréhensibles attributs, est un soleil si lumineux qu'il ne peut être envisagé ni bien reconnu par des yeux imbéciles comme les nôtres, que l'excès de cette lumière aveugle plutôt qu'elle n'éblouit.
(éd. des Oeuvres de 1756, VII, 2, p. 254)




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